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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/128

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c’est la présence à la tête du conseil d’un homme de volonté énergique et résolue. L’union libérale est une idée, cela est possible, mais jusqu’à ce moment elle a été surtout un homme, rien n’est plus certain. Otez le général O’Donnell, tous ces fragmens de partis si laborieusement assemblés et retenus en faisceau par une main ferme se disjoignent aussitôt. C’est O’Donnell qui a créé la situation actuelle et qui la soutient par ses combinaisons, par ses interventions incessantes, par son autorité. Il s’ensuit seulement que tout dans la politique tend à prendre un caractère personnel. Ce n’est pas que les individualités vigoureuses, avec leur caractère ou leurs passions, n’aient une place légitime et même quelquefois une place nécessaire dans le mouvement des institutions libres. Il est des momens où ces individualités, avec leurs emportemens et leur manie de prépondérance jalouse, ne laissent pas d’être la garantie des institutions et de devenir utiles à la liberté elle-même. L’erreur du général O’Donnell n’est point d’avoir élevé un drapeau nouveau dans la politique espagnole, fût-ce avec une arrière-pensée d’ambition. Rien n’est plus simple au contraire dans la condition de la Péninsule telle que les bouleversemens contemporains l’ont faite. Depuis vingt ans, l’Espagne flotte entre tous les excès, tantôt ramenée au libéralisme par la peur des réactions outrées, tantôt rejetée vers les principes conservateurs par la crainte de la révolution, et ne cessant de nourrir à travers tout un certain idéal de gouvernement constitutionnel conciliant et sensé.

C’est justement à cet idéal, à cet instinct que répond l’union libérale. Le comte de Lucena n’a donc été que simplement habile en s’emparant à propos d’une idée née de la situation même du pays. Son erreur est de songer moins à la réalisation politique de cette idée qu’à tout ce qui peut fortifier son ascendant personnel à l’abri de ce drapeau nouveau arboré au milieu des partis décomposés. Nous ne citerons qu’un exemple : le cabinet du 30 juin 1858 arrivait au pouvoir avec de merveilleuses promesses de libéralisme ; le régime de la presse notamment devait être amélioré. La loi si dure faite il y a deux ans par M. Nocedal subsiste encore cependant ; elle est incessamment appliquée dans toute sa rigueur, les journaux de Madrid sont soumis à un système de saisies régulières et de condamnations périodiques dont ils reproduisent le triste bulletin. La loi sur la presse est à faire ; et d’un autre côté la politique ministérielle a semblé par instans se résumer dans un remaniement d’emplois publics où se laissent trop apercevoir les combinaisons personnelles et les intérêts de coterie. O’Donnell, dit-on ironiquement, a sa brigade irlandaise, comme il l’avait autrefois les polacos du comte de San-Luis. L’Espagne est-elle divisée en cinq districts militaires,