Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

totales aux diverses contrées par les navires anglais et américains se sont élevées à 74,719,557 kilos ; si l’on y ajoute les 9 millions de kilos exportés par Kiakhta et destinés au commerce avec la Russie, on reconnaîtra que l’empire du Milieu exportait dès lors au-delà de 83 millions de kilos de thé, représentant plus de 166 millions de francs payés aux marchands chinois et une valeur dépassant 1,666 millions aux lieux de consommation dans les différentes contrées du globe. L’importance de ce commerce est en réalité bien plus grande encore, car on n’a pu y comprendre ni les exportations directes pour les contrées de l’Asie centrale, la Cochinchine, Tonquin, Siam, l’Afghanistan, ni les nombreuses importations effectuées en tous pays sans déclarations officielles, afin d’éviter les droits d’entrée. En tout cas, on peut dire que le thé est en Chine l’objet du commerce le plus important, soit à l’intérieur de l’empire, soit à l’extérieur.

Le commerce des États-Unis avec la Chine ne s’est développé qu’après la guerre de l’indépendance : il aurait pris un plus grand essor si la compagnie anglaise des Indes n’eût enlevé aux Américains les importations au Canada, et si la concurrence des Hollandais ne se fût de nouveau manifestée, Pour la Russie, les importations des thés chinois s’élevaient dès 1823 à 2,132,942 kilos ; graduellement augmentées depuis lors, en 1836 elles ont atteint 9,570,026 kilos, y compris les importations par Odessa ; elles dépassent aujourd’hui cette quantité, qui, extraite des registres de la douane, ne pouvait comprendre les nombreuses introductions effectuées sans déclaration, en vue d’éviter les droits du fisc[1]. Le transport jusqu’à Kijni-Novgorod des thés et des diverses marchandises vendues à Kiakhta se fait par terre et par eau. Cette dernière voie exige trois étés très courts, car durant les intervalles la navigation sur les canaux et les rivières est interrompue par la gelée.

Dans le commerce international du thé, la Russie occupe le second rang depuis plus d’un demi-siècle ; le premier rang, sous ce rapport, appartient à l’Angleterre, où le développement de ce commerce a fait des progrès plus rapides encore. En Angleterre, la consommation du thé est d’ailleurs plus considérable qu’en tout autre pays, la Chine exceptée. Malgré les entraves que toutes

  1. L’extension considérable du commerce général de la Russie avec la Chine et des importations de thé, qui en forment la principale base, est due non-seulement à la qualité supérieure des variétés de thés qui alimentent ces importations par la Tartarie chinoise, mais encore à des relations exceptionnellement amicales établies entre les deux empires depuis l’époque des ambassades à Pékin de Iobrands-Ides en 1693 et d’Ismaïlof on 1719, envoyées par Pierre le Grand ; on sait que dès lors les Russes cultivèrent avec grand soin ces relations sympathiques, qui leur ont assuré des privilèges qu’aucun autre peuple n’est parvenu à obtenir jusqu’à nos jours.