Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

solubles ; la différence entre les deux thés est environ de 25 à 50 pour 100. En d’autres termes, les thés noirs ont donné pour 100 parties en poids seulement de 31 à 41 de substances solubles, tandis qu’on en a obtenu de 40 à 48 des différens thés verts.

Quel est le rôle de la caféine dans le thé ? C’est là une autre question, qui a fourni à un célèbre chimiste d’outre-Rhin, M. Alfred Mitscherlich, l’occasion d’un curieux mémoire, encore inconnu à la plupart des lecteurs français[1]. Jusqu’à ce jour, des hommes qui font autorité dans la science étaient partagés sur le rôle de la caféine. Les uns la regardaient comme dépourvue de propriétés alimentaires, les autres comme pouvant participer à la nutrition en raison de la dose considérable d’azote qu’elle renferme. Pour mon compte, j’étais très disposé à croire avec les premiers que cette substance cristallisée, qui se sublime par la chaleur à un certain degré, ne pouvait réunir les conditions que l’on rencontre dans les substances azotées propres à l’alimentation. Telles étaient les deux opinions les plus répandues sur la caféine ; seuls, des praticiens habiles et un savant physiologiste avaient essayé sans résultat notable les propriétés de la caféine à titre d’agent thérapeutique, lorsque M. À Mitscherlich est venu annoncer que la caféine offrait des propriétés toxiques et conclure de ces expériences qu’elle cause la mort, même à petites doses, en déterminant soit des convulsions de la moelle épinière, soit une asphyxie dès le début, soit une paralysie consécutive.

Les doses ici sont en effet la chose importante ; suivant un vieil adage, « Dieu a fait ici-bas tout par poids et mesures. » Il faut voir toutefois si les doses justifient la conclusion de M. A. Mitscherlich, du moins en ce qui pourrait intéresser l’homme. Le chimiste allemand a étudié les effets de la caféine sur quatre animaux très différens : une grenouille, une tanche, un jeune pigeon et un fort lapin. Il suffira d’examiner les conditions de l’expérience faite sur ce dernier animal, moins éloigné de l’homme que les autres[2]. La dose

  1. J’en dois la traduction par extrait à l’un de nos savans botanistes, M. Duchartre, président de la Société botanique de France.
  2. Quant à celles de ces expériences qui sont relatives aux poissons, il faudrait se garder d’en tirer des conséquences applicables à l’homme. Ne sait-on point, par les curieux essais de M. Bouchardat, que tous les poissons meurent dans une eau qui contient une si faible dose d’acide qu’elle serait à peine perceptible par nos organes, qu’elle se trouve même bien inférieure à l’acidité naturelle des boissons dont nous faisons un habituel usage ? Les expériences de M. A. Mitscherlich n’en auront pas moins d’intérêt aux yeux des physiologistes, qui sans doute voudront les répéter. Voici les détails succincts de ces expériences : une tanche longue de 3 pouces, mise dans une solution qui contenait 1 millième de caféine, est morte en 15 minutes ; une grenouille respirant 22 fois par minute, placée dans un semblable liquide, est morte au bout de 3 heures ; une grenouille respirant 85 fois en une minute, ayant reçu 1/1[2-9]e de gramme de caféine dans du pain, est morte en 6 heures ; un jeune pigeon, ayant pris 1/[2-9]e de gramme de caféine dans des pilules de mie de pain, est mort au bout de 3 heures 15 minutes.