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est de laisser les Italiens résoudre entre eux les questions qui les concernent. Il est possible que l’on arrive à cette conviction par l’impuissance même des tentatives multipliées d’intervention que l’on aura essayées ; mais combien il serait sage de nous épargner les frais de cette expérience et les irritantes injustices qu’elle nous exposerait à commettre et en Italie et même dans le gouvernement intérieur de la France ! Que l’on considère les dangers qui résultent pour notre politique intérieure d’une politique d’intervention constante dans les affaires d’Italie. Le nœud des questions italiennes est à Rome, on le voit bien aujourd’hui. Que répondre aux catholiques et au clergé français, s’ils nous voient intervenir sans cesse dans la péninsule ? Il faut s’y attendre : ou ils voudront contraindre notre politique à défendre l’autorité pontificale contre les plus légitimes réclamations de l’Italie, ou ils rendront notre politique responsable de tous les échecs que subira la papauté. Leur fermera-t-on la bouche ? Ce serait injuste et imprudent, injuste, car il n’est pas permis de refuser aux grands intérêts du pays et à leurs organes naturels les moyens d’exercer une influence légitime sur la direction de la politique nationale ; imprudent, parce que l’on s’exposerait à compliquer d’une question de liberté religieuse à l’intérieur une question de politique étrangère. Qu’a-t-on gagné à l’interdiction de la publication des mandemens ? Nous avions refusé de croire à cette interdiction. Le gouvernement a plusieurs fois protesté qu’il n’a et qu’il n’exerce aucun pouvoir préventif sur les journaux, et en effet la législation ne lui en confère aucun. Nous avions supposé que certains journaux cléricaux, qui brillent plus par la violence que par le courage, et qui portent les épreuves de leur cause avec assez peu de dignité, pour s’amuser en ce moment à poursuivre de leurs bouffonneries vulgaires ceux qui les ont plus d’une fois défendus pour l’amour de la liberté, s’étaient rendus à un simple conseil, satisfaits comme ces avocats qui pensent avoir gagné leur procès lorsque le juge les interrompt avec les mots sacramentels : « La cause est entendue. » Il nous a bien fallu convenir de notre erreur lorsqu’en effet un journal officieux nous a prévenus avec une grande assurance que la publication des mandemens est interdite. Chose curieuse, et phénomène commun en France à cette heure ! ce journal amateur des interdictions est un des Abélards qui chantent des épithalames enthousiastes, —Hymen ! ô Hymenæe ! — aux fiançailles de l’Italie avec la liberté ! Quel mal eût produit la publication illimitée des mandemens ? L’irritation du parti clérical contre la brochure en eût-elle été plus violente ? Nous ne le pensons pas.

Qu’auraient à dire au contraire les catholiques si l’on posait en principe que la France laisse les Italiens maîtres de s’organiser comme ils l’entendent en Italie, qu’elle a fol dans la vitalité et dans la sagesse de la cour de Rome, et que le respect de l’autorité pontificale, autant que le respect de l’indépendance d’un peuple, lui interdit da se mêler de leurs affaires ? Cette politique, sincèrement pratiquée, servirait plus efficacement que toutes les interventions les intérêts de la papauté en Italie. Une intervention est toujours blessante pour ceux chez lesquels elle s’exerce : nécessairement ignorante et arbitraire, elle méconnaît les intérêts qu’elle veut protéger aussi bien que ceux qu’elle vient combattre. Les antipathies de l’Italie moderne