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métropole et le territoire destiné à porter sa colonie nouvelle, point de flux naturel de capitaux vers ce territoire.

Ce défaut, qui s’est traduit dès le premier jour de notre occupation par une désastreuse inégalité entre les importations et les exportations réciproques de la France et de l’Algérie, n’a point échappé à l’administration coloniale ; on peut même dire qu’il n’a cessé, en la préoccupant, de la désespérer. L’établissement d’échanges mutuels était tellement lié, dans les habitudes de tous nos hommes d’état, avec l’idée même d’une colonie, que presque aucun de ceux qui ont gouverné successivement l’Algérie n’a voulu prendre le parti d’y renoncer. La découverte d’un ou plusieurs produits spéciaux pouvant servir de pivot à tout le développement futur de l’Afrique française a été véritablement la pierre philosophale à la recherche de laquelle tous les gouvernans et tous les publicistes ont obstinément attaché leurs efforts. M. le colonel Ribourt est en ce point l’écho fidèle de la pensée non-seulement du dernier gouverneur-général lui-même, mais de tous ses prédécesseurs, lorsqu’il dit quelque part « qu’un produit nouveau qui prendrait place dans l’exportation devrait être estimé à l’égal d’une victoire, » et lorsqu’il répète avec complaisance cette phrase de l’illustre La Bourdonnais : « Il suffit d’une plante pour faire la richesse d’une colonie. » Les législateurs de la métropole eux-mêmes n’ont pas cessé d’être dominés par la même préoccupation : c’est elle qui a inspiré la disposition capitale du régime douanier imposé par la loi de 1851 à tout le commerce algérien. Cette loi en effet, en affranchissant de tout droit les produits naturels du sol africain, tandis qu’elle soumet à un tarif élevé tous les produits fabriqués dans la colonie, obéit instinctivement au souvenir de l’ancien système colonial. Elle part toujours du principe que le rôle idéal d’une colonie, c’est de fournir à la mère-patrie, à des conditions exceptionnellement favorables, la matière première de ses industries, et par là même l’aliment de son commerce.

Dans cette pensée, qui a sa grande part de vérité, quoiqu’elle ait conduit plus d’une fois à l’adoption de mesures funestes, rien n’a été négligé, avons-nous dit, pour procurer à l’Algérie les privilèges dont au premier abord elle ne paraissait pas douée. Toutes les cultures spéciales qui ont fait la fortune d’autres colonies ont été successivement essayées et encouragées sans relâche. Le récit de ces essais remplit à lui seul presque un tiers de la brochure de M. le colonel Ribourt. Dans de vastes pépinières fondées à la porte des principales villes, on a tenté l’acclimatation de toutes les plantes qui ne se refusaient pas absolument à prendre racine sur le sol d’Afrique et à s’ouvrir à son soleil. Opium, tabac, cochenille, ricin, café, thé, vanille, soies, indigo, arachides, banane, coton, etc., tout a été à