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coup sûr l’hypothèse la plus favorable, — en 1823 la flotte serait forcément réduite à vingt-six ou vingt-sept vaisseaux !

« Je l’affirme sans hésiter, disait M. le baron Portal dans son rapport au roi, notre puissance navale est en péril. Les progrès de la destruction s’étendent avec une telle rapidité que, si l’on persévérait dans le même système, la marine, après avoir consommé 500 millions de plus, aurait totalement cessé d’exister en 1830. » Il fallait donc, suivant l’énergique expression du ministre, « renoncer à l’institution pour épargner la dépense, ou accepter les dépenses indispensables pour conserver l’institution. » La question ainsi posée, le ministre établit les bases de ce qu’on appela depuis lors le budget normal, c’est-à-dire le budget nécessaire au service courant des armemens, à l’entretien et au renouvellement périodique du matériel naval. La composition de la flotte fut fixée, d’un commun accord entre le gouvernement et les chambres, à quarante vaisseaux, cinquante frégates et quatre-vingts bâtimens de rang inférieur. Tel est le chiffre modeste que tous les régimes qui se sont succédé depuis quarante ans se sont proposé d’atteindre. La valeur d’une pareille flotte descendue des chantiers et mise en état de prendre la mer était évaluée en 1818 à 176 millions. Abstraction faite des machines, qui vaudraient bien à elles seules une centaine de millions, on aurait à peine aujourd’hui la moitié de cette flotte pour le même prix. Les évaluations du ministre étaient donc probablement fort loin d’être exagérées. Il estimait que les vaisseaux, sur leur première construction, dureraient quatorze ans, qu’au bout de ce temps, ils devraient subir une refonte dont les frais représenteraient à peu près la moitié d’une construction neuve, et que, sur cette refonte, ils subsisteraient sept années encore. La durée moyenne du gréement pouvait être de huit ans, celle de la mâture et du matériel d’artillerie de vingt, des bouches à feu de cinquante. Le renouvellement de la flotte, coques et armement, exigeait, d’après ces calculs, une dépense annuelle d’environ 15 millions ; mais il ne suffisait pas de renouveler ce matériel, il fallait encore l’entretenir : nouvelle dépense à inscrire au budget normal. En somme, une fois la flotte de 176 millions créée, il fallait, pour ne pas la laisser décroître, lui affecter une rente annuelle de 20 millions, c’est-à-dire de 11 à 12 pour 100 de sa valeur première. L’entretien des établissemens à terre, celui des colonies et des chiourmes, la solde du personnel, avaient le même caractère de nécessité. Tout compte fait, le budget normal de la marine et des colonies sous la restauration eût dû être de 65 millions. On l’a fixé de nos jours, avec la même rigueur d’appréciation, à 140 millions, 18 pour les colonies, 122 pour la marine.