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qu’il devait être soumis à une quarantaine de quatre jours, j’envoyai un officier complimenter l’amiral sur son arrivée et lui demander une entrevue au lazaret. Le contre-amiral Freemantle venait d’être nommé vice-amiral, et je craignais que la supériorité de son grade ne lui donnât des prétentions que je me sentais peu disposé à reconnaître ; mais sa politesse et sa condescendance à mes moindres avis dissipèrent promptement mes appréhensions. L’amiral Freemantle s’exprimait avec facilité en français. Il sut mettre tant de naturel et de bienveillance dans ce premier entretien, qu’en dépit de mes résolutions, ma raideur n’y put tenir. Je me sentis invinciblement gagné par cette bonhomie sans affectation, qui n’excluait ni la retenue ni la dignité. Ma conscience, je ne le dissimule pas, se révoltait bien un peu contre cette sympathie si subite. Malgré l’attrait auquel je me laissais insensiblement entraîner, je marchandais encore en secret ma confiance. En attendant, je me promis de ne pas me trouver en reste de bons procédés avec un amiral si courtois. Notre réunion au lazaret ne nous permettant pas de nous expliquer avec tout le secret désirable, je me décidai à me mettre spontanément en quarantaine, et j’acceptai le dîner qui me fut offert à bord du Rochefort. Nous convînmes d’ailleurs qu’aussitôt après le repas nous mettrions sous voiles. En effet, le soir même, nous quittâmes le port de Mahon et fîmes route pour la rade d’Alger, où nous mouillâmes le 3 septembre 1819.

Lorsque nous parûmes dans la baie, les batteries du port saluèrent successivement le pavillon français et le pavillon anglais de vingt et un coups de canon. Nous rendîmes immédiatement ces saluts, et à peine l’ancre fut-elle au fond que nous reçûmes la visite de nos consuls. Après avoir conféré avec ces deux agens de l’objet de notre mission, nous arrêtâmes, l’amiral Freemantle et moi, que nous ferions demander pour le lendemain une audience au dey. Son altesse s’empressa d’accéder à cette demande, mais elle signifia aux consuls que nous ne pourrions être accompagnés de plus de deux officiers. Je désignai mon capitaine de pavillon et mon chef d’état-major ; l’amiral anglais fit de son côté un choix à peu près semblable. Nous nous rendîmes d’abord, chacun de notre côté, chez nos consuls respectifs, où nous attendaient des chevaux. De là, ainsi que nous en étions convenus, nous nous dirigeâmes vers la porte de la Kasbah, séjour habituel du dey Hussein. On ne parvenait à cette forteresse, qui domine la ville, qu’en gravissant des rues fort étroites et des pentes excessivement rapides. Une garde nombreuse, armée de longs bâtons, se tenait rangée à l’entrée du palais ; elle ne permettait d’en approcher que chapeau bas, et avec toutes les apparences du respect. Avant d’arriver devant cette farouche demeure, les consuls nous firent mettre pied à terre. Un guide nous introduisit