Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
ROMAN SATIRIQUE
EN RUSSIE

I. Ticitcha Douche (Mille Ames), Pétersbourg 1859. — II. Povrejdennoi (le Monomane), Londres 1854.



Le roman est depuis quelques années, on le sait, une des formes littéraires par lesquelles l’esprit russe manifeste le plus volontiers ses inquiétudes, ses tristesses et ses espérances. Aucun des abus dont la Russie cherche en ce moment à secouer le fardeau n’a échappé à la sévère vigilance des conteurs, transformés en moralistes. Après avoir subi tour à tour les influences de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la France, le roman s’est empreint en Russie d’un caractère tout national. C’est la pensée des classes intelligentes de l’empire qu’il a réussi à exprimer tantôt avec une finesse, une émotion sympathique, tantôt avec une verve amère. La satire a pris de plus en plus possession d’un domaine qui semblait abandonné à l’imitation des littératures étrangères, et bientôt il s’est formé tout un groupe d’œuvres particulières, où il faut chercher l’expression sincère du génie national en même temps qu’un curieux symptôme de la transformation morale dont l’empire des tsars est aujourd’hui le théâtre.

Ce développement si marqué de la satire, qu’est-il après tout, sinon un retour aux instincts traditionnels de la société russe ? De tout temps, la corruption des classes supérieures a fourni un large thème