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appelle coupes d’éclaircies, donnent aux arbres conservés toujours plus d’air, plus d’espace, et leur permettent d’arriver dans des conditions satisfaisantes à l’âge de l’exploitation.

Cette méthode, dont toutes les opérations concourent au même but, — la perpétuation de la forêt et l’augmentation de sa production, — est donc beaucoup plus parfaite que celles qu’elle a remplacées, puisque celles-ci laissaient ce soin au hasard. D’un autre côté, à contenance égale, elle donne des produits plus considérables et plus précieux que le taillis, et constitue par conséquent un système de sylviculture plus perfectionné, plus intensif. On se souvient encore des tristes débats auxquels donna lieu l’application de cette méthode aux forêts de la couronne dans les dernières années du règne de Louis-Philippe. Accusée par l’opposition d’avoir effectué des coupes sombres et ruiné par là des propriétés nationales dont elle n’était qu’usufruitière, l’administration de la liste civile n’eut pas de peine à se justifier devant les chambres[1] ; mais cette accusation n’en laissa pas moins dans le public une impression fâcheuse, à laquelle le mot de coupe sombre n’a certes pas été étranger. Nous savons maintenant à quoi nous en tenir sur la signification de ce terme, qui, bien loin d’impliquer l’idée d’une mauvaise action commise dans l’ombre, était pour ces forêts une garantie d’avenir et de perpétuation. Il est permis de croire que, si les auteurs de ces attaques avaient été plus au courant de la question, ils se seraient bien gardés de condamner aussi légèrement une méthode qui se propose de porter les forêts à leur maximum de production, et qui est en ce moment l’expression la plus élevée de l’art forestier. Appliquée depuis longtemps en Allemagne, elle n’a été introduite chez nous que depuis cinquante ans environ par M. Lorentz, qui peut être considéré pour ce fait comme le créateur de la sylviculture en France. Un aperçu historique de la question nous fera mieux comprendre l’importance d’un tel service.


II

La sylviculture, au point de vue scientifique, a ses annales fort différentes de celles des forêts mêmes ou de l’administration forestière. Il faut remarquer cependant l’intérêt qu’il y a presque toujours à rapprocher des progrès de la science les actes de l’administration, qui, tout en gardant son indépendance, subit dans une certaine mesure l’action de la première. Bien avant que celle-ci fût

  1. Notamment par l’organe de M. de Montalivet devant la chambre des pairs en 1847.