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constituée, il existait des règlemens pour la conservation et l’exploitation des forêts, et des magistrats pour les faire exécuter. Ces règlemens, d’où dépendait par conséquent la situation plus ou moins prospère de la propriété forestière, se modifièrent peu à peu, à mesure que la science elle-même fit des progrès et fut mieux connue, et ils finirent par être en complète harmonie avec ses préceptes. Dans l’antiquité, la physiologie végétale était absolument ignorée, ce qui n’empêcha pas les Grecs comme les Romains de garantir les forêts contre les exploitations abusives, en les soustrayant à l’appropriation particulière, et d’assurer leur conservation en les consacrant aux dieux. Au dire de Suétone en effet, Ancus Martius, le quatrième roi des Romains, les réunit au domaine public et en confia la surveillance à des magistrats spéciaux. Cette charge devint même si importante que, sous la république, elle fut remise aux consuls :

Si canimus sylvas, sylvœ sint consule dignœ,


a dit Virgile. On peut avoir une idée de la science forestière à cette époque en lisant l’ouvrage sur l’agriculture de Porcius Caton, plus connu sous le nom de Caton l’Ancien. Pour lui, elle se borne, ou à peu près, à ne couper les arbres que pendant le déclin de la lune et à faire, avant toute exploitation, le sacrifice d’un porc au dieu auquel la forêt est consacrée. Son ouvrage, comme celui de Columelle, de Arboribus, qui est beaucoup moins ancien, renferme cependant des détails assez complets sur la culture des arbres fruitiers. La greffe, les marcottes, les soins à donner à la vigne, l’éducation des oliviers et des châtaigniers, y sont l’objet de chapitres fort intéressans ; mais quant à la sylviculture proprement dite, il n’en est nullement question.

Durant le moyen âge, les forêts continuent à être l’objet de dispositions spéciales et de règlemens sévères qui se succèdent sans interruption, depuis les Capitulaires de Charlemagne, sans qu’on soupçonne même l’existence d’une science forestière. Les idées répandues alors à ce sujet étaient fort singulières. Bien qu’on n’ignorât point que la génération des arbres sauvages pût se faire par les semences, on s’imaginait que la terre avait en outre la faculté de leur donner spontanément naissance, sans graine d’aucune sorte, et par sa propre puissance. Cette singulière théorie est exposée tout au long dans un ouvrage qui eut, lorsqu’il parut, un succès prodigieux : il est intitulé le Livre des Proufils champestres et ruraulx, compilé par maistre Pierre de Crescences et translaté depuis en langage françois, 1486. Compilation de tout ce qui avait paru sur l’agriculture,