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étendues avec le moins de sacrifices possibles ; la culture extensive y est plus avantageuse. En Angleterre, en France, en Allemagne, où tout coin de terre est occupé, où la moindre parcelle se paie fort cher, mais où la main-d’œuvre et les capitaux sont relativement à bon marché, il y a profit à faire de la culture intensive. C’est en effet à force de travail et de capital, par des drainages bien entendus, des labours profonds, des fumures abondantes, un assolement régulier, qu’on parvient à porter le sol à son plus haut point de production, et ce serait une faute de calcul que d’y manquer. Il y a donc également perte pour la société, soit qu’on néglige l’application des procédés de culture perfectionnée là où ils sont utiles, soit qu’on les emploie là où rien ne les réclame.

À ce point de vue, la sylviculture doit obéir aux mêmes lois que l’agriculture, et, comme elle, se modifier suivant les conditions économiques des différens pays. Aux contrées pourvues de grandes forêts et médiocrement peuplées, les systèmes d’exploitation élémentaires et peu coûteux ; aux contrées civilisées, où une population dense exige qu’on demande au sol tous les produits qu’il peut fournir, la futaie avec tous les procédés de culture que la science nous enseigne. Autant il serait ridicule d’appliquer aux forêts sans limites du Brésil et du Canada la méthode à double étage du Spessart, autant il est illogique, dans nos pays où chaque parcelle de terre a une valeur considérable, d’abandonner à la nature le soin de faire pousser les arbres et de borner sa sollicitude à couper, tous les vingt ou vingt-cinq ans, les maigres produits qu’il aura plu au hasard de laisser venir. Seulement la première condition d’une culture forestière bien entendue, c’est la diffusion des principes scientifiques dont nous venons d’esquisser les traits principaux. Il n’y a pas bien longtemps qu’on a compris tout le parti qu’on peut tirer de l’application de la science à l’agriculture, et de toutes parts déjà l’accroissement de la production agricole et l’augmentation du bien-être de la population rurale en attestent les heureux effets. Nous croyons que le tour de la sylviculture est arrivé, et qu’il est temps de faire pour elle ce qu’on a fait pour sa sœur aînée. On arriverait aisément à lui donner la place qu’elle mérite, si, comme on l’a fait depuis longtemps déjà en Allemagne, on comblait enfin chez nous une lacune regrettable dans l’enseignement supérieur.


J. CLAVE.