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défonces pour l’agriculture. M. G. Roscher, dans un mémoire dont nous avons eu occasion de parler dans une précédente étude[1], prétend que, toutes choses égales d’ailleurs, dans un pays et à une époque déterminés, la culture forestière est toujours moins intensive que toute autre, parce qu’elle exige pour une contenance donnée moins de travail et moins de capital. Nous ne sommes point, quant à nous, très convaincu de la justesse de cette appréciation, car il nous semble que le plus ou moins d’intensité d’une culture doit se mesurer aux produits plus ou moins considérables qu’elle fournit et non à la quantité plus ou moins grande de travail et de capital qu’elle réclame ; ce sont là des moyens dont l’emploi, ce nous semble, ne constitue un progrès que s’il est judicieux. D’ailleurs, si la culture forestière nécessite en général moins de main-d’œuvre qu’une culture agricole de même étendue, le capital qui lui est nécessaire est bien autrement considérable. Ce n’est pas, il est vrai, un capital de même nature que celui que représentent les bâtimens d’exploitation, les instrumens aratoires ou les bestiaux : c’est un capital immobilisé dans la superficie de la forêt, capital qui s’est formé lui-même par la seule puissance de la végétation et la non-réalisation de la production antérieure, mais dont il faut néanmoins tenir compte. Ce qui le prouve, c’est qu’il varie beaucoup, suivant le mode de traitement adopté. Une futaie aménagée à 150 ou 200 ans représente, par la valeur de la superficie, un capital engagé beaucoup plus considérable qu’un taillis aménagé à 20 ans, et constitue, comme nous l’avons vu, une culture plus perfectionnée.

Du reste, pas plus que pour les champs, un accroissement d’intensité dans la culture n’est toujours pour les forêts une opération avantageuse. C’est une erreur fort répandue que l’agriculture intensive est toujours préférable ; mais c’est une erreur, et les gouvernemens n’ont pas peu contribué à la propager en encourageant partout et toujours l’emploi des procédés les plus parfaits, et par conséquent les plus dispendieux. La supériorité de tel ou tel système dépend, en effet, des circonstances économiques au milieu desquelles on se trouve, telles que la valeur des terres, le prix de la main-d’œuvre et l’abondance des capitaux. Ce que le cultivateur doit avoir en vue, c’est de tirer le meilleur parti possible des agens de production dont il dispose, et d’employer de préférence ceux qui sont au meilleur marché. En Amérique, où des terrains immenses sont presque sans valeur, mais où la main-d’œuvre est chère et le loyer des capitaux élevé, il y a bénéfice à cultiver de grandes

  1. Ein nationalœkonomisches Hauptprincip der Forstwissenschaft, von W. Roscher. — Voyez la Revue du 15 juin 1859, — les Forêts et l’Agriculture.