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partie des sujets dépendant d’une souveraineté reconnue se sera, n’importe à quelle occasion, séparée de cette souveraineté, et aura, sous une forme générale quelconque, manifesté son vœu, il y aura lieu pour l’Europe de vérifier en congrès le fait accompli, et d’enregistrer la création d’une souveraineté nouvelle… » Mais au contraire l’exemple d’une situation exactement analogue est là, ce nous semble, à nos portes : c’est la Belgique, qui s’est détachée des Pays-Bas, Qui a manifesté son vœu, et dont l’Europe a enregistré la naissance en vérifiant le fait accompli, et alors même le catholicisme s’est réjoui autant que le libéralisme. Il n’y a donc ici rien d’absolument nouveau, et lorsque M. Villemain, en rappelant les titres de grandeur, le passé de la papauté, ajoute : « Tout cela est-il vain souvenir, curiosité d’histoire et de littérature ? A la bonne heure ; mais que toutes les souverainetés d’Europe, que toutes les maisons régnantes se tiennent bien averties alors qu’il n’y a pas de droit réel résultant de la durée, de la tradition continuel… » Lorsque M. Villemain parle ainsi, on ne peut s’empêcher de se souvenir qu’il y a feu un jour en France une souveraineté qui avait aussi pour elle la durée, l’éclat des souvenirs, et qui ne fut pas moins emportée pour être remplacée par un gouvernement dont l’éminent académicien ne conteste pas sans doute la légitimité. Le monde est plein de ces événemens. C’est qu’en effet la vie des peuples n’est qu’une série de transactions entre l’ordre ancien et l’ordre nouveau, entre des droits traditionnels et les droits que le mouvement des choses fait surgir. Quand la transaction ne se réalise pas naturellement, pacifiquement, la lutte éclate. Ce qui se passe aujourd’hui en Italie n’est qu’un épisode de ce drame permanent et quelquefois douloureux.

D’ailleurs, lorsqu’on parle de la souveraineté politique du saint-siège, en revendiquant pour elle l’intégrité de son existence territoriale, il ne faut pas s’y méprendre : cette souveraineté est réelle, elle est utile au monde, elle représente en certains momens la seule force morale capable de lutter avec certains despotismes outrés ; elle repose sur des titres que nul ne peut contester. On ne peut cependant méconnaître aussi ce qu’il y a depuis longtemps d’anormal dans la situation des états de l’église au point de vue de cette souveraineté même, qui ne se soutient qu’à l’aide des secours étrangers. La séparation de la Romagne, dites-vous, est moins grave par l’étendue de territoire qu’elle retire au saint-siège que par l’atteinte qu’elle porte à la dignité du principat temporel de la papauté ! Nous ne méconnaissons pas ce qu’il y a de sérieux dans la fatalité de ces événemens ; mais lorsque l’autorité de l’Autriche se substituait partout à l’autorité pontificale, à Bologne, dans le gouvernement civil comme dans le gouvernement militaire, lorsque les jugemens prononcés contre des sujets romains étaient visés à Mantoue et à Vérone, l’indépendance politique du saint-siège était-elle bien entière ? Ce n’est donc point d’aujourd’hui que la souveraineté temporelle du pape souffre d’atteintes de plus d’une sorte. Et quand on ramènerait maintenant l’autorité du souverain pontife à Bologne, à quoi arriverait-on ? Il faudrait l’y soutenir, la faire vivre, la défendre, toujours en garde-en face de populations dont la persistance de sentiment est attestée, depuis dix ans surtout, par l’invariabilité de la répression. Sans doute de cette lutte de tous les