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dant il reste établi, je crois, que, comme pierre de touche du consentement général allégué en preuve de l’existence et de l’unité de Dieu, le philosophe devra recourir à l’étude de l’esprit humain, le chrétien à la révélation, et l’un et l’autre s’appuieront ainsi sur des preuves d’un ordre qui leur paraît supérieur.

Venons à la preuve par l’ordre du monde. Elle a généralement autorisé les déistes à élever leur temple idéal Deo optimo maximo ; mais ils ont avec raison traduit cette belle inscription par ces mots : Au Dieu très bon et très grand. C’est en effet ce que prouve et tout ce que prouve l’argument, un Dieu très bon et très grand, et à part quelques métaphysiciens, les anciens les plus éclairés ne se sont pas formé une autre idée de Dieu. Le spectacle du Cosmos avec ses beautés, mais aussi avec ses imperfections, ses incohérences, avec l’antagonisme des forces qui le régissent, n’atteste que le triomphe laborieux du principe de l’ordre sur le désordre, et partant une intelligence qui partout a laissé son empreinte, celle de la sagesse et de la bonté, en assurant la durée et l’harmonie de son ouvrage. Cependant la beauté de l’ensemble n’est que celle d’un système où, tout compte fait, le bien l’emporte sur le mal. Sans doute il est bon, sans doute il est sage et puissant, celui qui a réglé cet ordre et qui le conserve; on ne peut se lasser d’admirer par quelles combinaisons profondes, par quels savans artifices tout est réglé et maintenu de manière à surmonter des obstacles toujours subsistans, à résister à des causes de destruction toujours agissantes, enfin quelle habileté suprême semble à chaque instant sauver l’univers. Partout se décèle un sublime architecte; mais tout ce spectacle ne nous révélerait pas, si nous n’en puisions ailleurs la connaissance, un Dieu tout-puissant et infini, le Dieu créateur de la foi, le Dieu parfait de la métaphysique.

Si donc nous voulons nous élever à quelque connaissance de la nature de Dieu et concilier son existence avec ses attributs, l’argument en question ne peut plus suffire au chrétien non plus qu’au philosophe, et l’un et l’autre sont obligés de chercher dans la révélation et dans la raison une notion moins imparfaite de la Divinité ou une démonstration de son existence qui soit plus en rapport avec ses perfections.

Ici le christianisme nous enseigne des dogmes qui ne sont qu’à lui. Une révélation devait nous apprendre ce que nous aurions ignoré sans elle. C’est ainsi que l’église nous révèle le dogme de la Trinité. Malgré les analogies qu’on a prétendu trouver dans Platon et les Alexandrins, je persiste à croire que l’idée de la Trinité est essentiellement chrétienne, et que l’esprit humain ne s’y serait point élevé par lui-même. Il faut donc laisser à la théologie positive les dogmes révélés et connus seulement par la révélation. Il y