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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/578

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LES COMMENTAIRES
D’UN SOLDAT

II.
L’HIVER DEVANT SÉBASTOPOL



VI.

Le jour où le général Canrobert fit sa première reconnaissance sous les murs de Sébastopol[1], le plateau destiné au bivouac des armées assiégeantes me parut un site merveilleux. Cette terre que j’ai vue ensuite si nue, si aride, si dévastée, qui semblait ne plus produire que des obus et des boulets, cette terre alors était souriante, parée de verdure, couverte d’ombrages, parsemée de maisons à la physionomie patriarcale et opulente, où les riches familles de la ville venaient sans doute passer leurs loisirs. Le général Canrobert voulut visiter un édifice que j’ai vu souvent depuis, et jamais sans indifférence : c’était un grand bâtiment appelé le Monastère, situé sur les rives de la Mer-Noire, tout près de l’endroit consacré au souvenir d’Iphigénie. Ce monastère, habité par des moines dont les prières n’ont pas été troublées un seul jour, est resté pour moi un des lieux les plus agréables et les plus émouvans de ce monde. Il s’appuie à un bois inculte que, par un caprice obstiné de mon esprit, je n’ai jamais pu parcourir sans me rappeler le plus vivant, le plus romanesque et le plus bizarre à mon sens de

  1. Voyez la Revue du 15 janvier.