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même impulsion. Hautement préconisé par des ingénieurs célèbres, notamment par Brunel et par sir William Cubitt, puissamment patroné dans le parlement, le système nouveau fut bientôt opposé à l’invention de George Stephenson. Ce ne fut pas sans quelque émotion que celui-ci alla pour la première fois, avec M. Vignolles, visiter un modèle de chemin atmosphérique; il l’examina quelque temps avec une extrême attention, puis, avec une grande assurance : «.Ceci, dit-il, ne pourra réussir; qu’est-ce autre chose que la machine fixe avec un câble, sous forme nouvelle? » jugement plein de justesse, que le temps a confirmé. Le système atmosphérique est aujourd’hui abandonné, et malgré tout ce qu’il a d’ingénieux, il finira peut-être par tomber dans l’oubli.

La sagacité de Stephenson s’exerça plus d’une fois sur des sujets bien étrangers à la mécanique. A l’époque où il était encore employé dans des mines, il découvrit une lampe de sûreté, sans connaître les essais du même genre faits par le célèbre chimiste sir Humphry Davy : si son nom n’eût été alors si obscur, Stephenson aurait peut-être partagé avec Davy la gloire de cette utile invention, qui a contribué si puissamment à diminuer le nombre des victimes dans les mines de charbon. Se promenant un jour avec le docteur Buckland, bien connu par ses travaux scientifiques, sur la terrasse de Drayton, résidence de sir Robert Peel, Stephenson vit passer de loin un convoi suivi de son long panache de fumée : « Eh ! Buckland, lui dit-il, j’ai une question à vous poser. Me direz-vous quel est le pouvoir qui fait marcher ce train? — Mais, répondit son interlocuteur, je suppose que c’est une de vos grosses machines. — Oui, mais qui fait aller la machine? — Sans doute un bon mécanicien de Newcastle. — Que penseriez-vous si c’était la lumière du soleil? — Comment? répond le docteur. — C’est pourtant cela même. C’est de la lumière emmagasinée dans la terre pendant des myriades d’années, de la lumière absorbée par des plantes, et nécessaire à la condensation du carbone pendant qu’elles se développaient. Maintenant, après avoir été ensevelie durant de longs âges dans les couches de houille, cette lumière latente nous est rendue, elle se délivre, elle travaille dans cette locomotive pour le plus grand bien de l’humanité. » Sans s’en douter, Stephenson développait ainsi une des plus admirables inductions de la science moderne, c’est-à-dire la transformation réciproque de la lumière et de la chaleur en travail mécanique. Ce phénomène est devenu l’objet des plus curieuses études, et M. Grove n’a pas manqué de rapporter cette boutade de Stephenson dans son remarquable ouvrage sur la Corrélation des Forces physiques.

George Stephenson passa la fin de sa vie à Tapton-House. Il avait toujours aimé avec passion la vie rurale; il s’occupait avec intérêt de ses fleurs, de sa basse-cour, de ses fermes, de perfectionnemens