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grande liberté de mouvement. Elle rappelait d’ailleurs en 1843, devant la chambre des pairs, également par l’organe du ministre des travaux publics que, l’autorisation du relèvement des tarifs pouvant être refusée, toute certitude était donnée de ne point voir les compagnies de chemins de fer se livrer à ces jeux de tarifs qui avaient été l’objet des appréhensions du public. Et M. Daru, rapporteur, ajoutait : « Il n’y a pas moyen de tout prévoir, et quel que soit le désir de réglementation qui nous domine, nous ne parviendrons jamais à embrasser dans nos prévisions tous les faits qui peuvent se présenter. C’est pour cela qu’on a pris le parti le plus sage en se décidant à en référer toujours et pour tout à l’administration. » Ces paroles de M. Daru, où se trouve si nettement constaté le pouvoir réglementaire attribué au gouvernement par la législation française, forme la conclusion naturelle de cet exposé du caractère général des tarifs de nos chemins de fer.

En Angleterre, un tout autre système a prévalu, et la concurrence est poussée jusqu’à l’abus : les compagnies peuvent à volonté faire jouer leurs tarifs au-dessous d’une limite fixée par le bill de concession. En Amérique, la liberté des transactions est encore plus complète : il n’y a même point de tarif maximum.


II.

Depuis deux ans pour la plupart d’entre elles et depuis quelques mois pour toutes, les grandes compagnies de chemins de fer sont régies par un type uniforme de cahier des charges, où l’on trouve cette disposition, qui est en quelque sorte la charte des tarifs, et qu’à ce titre on doit citer textuellement :


« Dans le cas où la compagnie jugerait convenable, soit pour le parcours total, soit pour les parcours partiels de la voie de fer, d’abaisser, avec ou sans conditions, au-dessous des limites déterminées par le tarif, les taxes qu’elle est autorisée à percevoir, les taxes abaissées ne pourront être relevées qu’après un délai de trois mois au moins pour les voyageurs et d’un an pour les marchandises.

« Toute modification de tarif proposée par la compagnie sera annoncée un mois d’avance par des affiches.

« La perception des tarifs modifiés ne pourra avoir lieu qu’avec l’homologation de l’administration supérieure. »


Tel est le code en miniature qu’il ne faut pas perdre de vue lorsqu’on se préoccupe des transports à prix réduits sur les voies ferrées. On remarquera, contrairement à une opinion qui a eu sa raison d’être, mais qui ne l’a plus aujourd’hui, que l’individualité de l’expéditeur n’apparaît nullement. Nous ne saurions trop insister