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A cet effet, une réduction de prix est consentie à tous les expéditeurs de certaines classes de marchandises moyennant des conditions variables, dont l’une, celle dite de l’abonnement, devra nécessairement être l’objet d’un examen détaillé.

Si les chemins de fer étaient exploités par l’état, représentant de l’intérêt général, l’abaissement des tarifs n’aurait d’autre limite que celle où les recettes n’excéderaient plus les dépenses, l’intérêt général exigeant que les chemins de fer soient utiles au plus grand nombre. Tel n’est évidemment pas le point de vue où doit légitimement se placer une compagnie concessionnaire, pour laquelle l’intérêt public en somme est secondaire, et qui se propose, comme but essentiel, de tirer de son exploitation le plus de bénéfice possible. L’abaissement des tarifs sera donc subordonné à cette considération et calculé de manière à diriger vers la voie ferrée le maximum de transports productifs. Le problème n’est point aussi simple qu’il le paraît au premier abord, le législateur ayant dû prévoir le cas où la compagnie se proposerait de ne faire jouir le public d’un abaissement momentané de tarifs que pour lui faire ultérieurement subir une élévation définitive, où elle n’aurait voulu en un mot que masquer, par une mesure libérale en apparence, l’extinction des entreprises de transport qui lui font concurrence, et s’attribuer ainsi un monopole exorbitant. Les compagnies ont toujours prétendu que les craintes de cette nature étaient chimériques, et que leur propre intérêt était une garantie sérieuse de la droiture de leurs intentions. En réalité, il paraîtrait que jusqu’à ce jour, sur 2,000 abaissemens de tarifs, on ne compterait encore que 20 relèvemens; mais enfin il fallait prendre des précautions réglementaires contre le danger qui vient d’être signalé, et on les a inscrites dans le cahier des charges des concessions de nos voies ferrées. C’est encore à propos de la ligne de Strasbourg à Bâle que l’hypothèse est posée pour la première fois, et le législateur stipule que les taxes abaissées ne pourront être relevées qu’après un délai de trois mois au moins. Six ans plus tard, c’est-à-dire en 1844, sur un amendement proposé par M. Muret de Bort, dans la discussion à la chambre des députés d’une loi concernant le chemin de fer de Nîmes à Montpellier, malgré le rapporteur de la commission, malgré même le ministre des travaux publics, ce délai a été porté à une année pour les marchandises et n’a plus été modifié depuis. Il est évident que la mobilité des tarifs ne peut pas être excessive, sous peine d’engendrer des abus; mais il est assez difficile d’évaluer en général ce qu’elle doit être pour répondre aux besoins du commerce. L’administration, comme on vient de le voir, pensait que M. Muret de Bort, dont l’opinion fut du reste adoptée à une forte majorité par la chambre des députés, n’accordait pas aux compagnies une assez