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que nous l’avons emporté sur nos adversaires, et si nous ne savions pas demeurer modestes et froids dans une victoire accidentelle et imprévue. Nous voudrions, quant à nous, ne point sortir de cette réserve, et mériter que, dans les deux partis, les esprits modérés nous en tinssent compte. Reprenons par le détail les diverses questions que nous avons à examiner ; nous commencerons par les affaires italiennes et par l’aspect qu’elles présentent en Italie même.

Le désir que nous exprimions, il y a quinze jours, de voir les tendances de l’Italie se régler et se fortifier sous la direction nette et décidée de M. le comte de Cavour n’a point tardé à être satisfait. Historiens, nous devons expliquer les causes de la révolution ministérielle qui a ramené au pouvoir l’homme éminent dans lequel se personnifient les aspirations italiennes. On peut assigner deux causes à la chute du ministère de MM. Ratazzi et de Lamarmora : une cause générale, qui tient à la nature et au caractère de cette administration, et une cause accidentelle. Toutes deux ont également servi M. de Gavour, l’une en le désignant comme l’homme nécessaire dans une crise nationale, l’autre en lui fournissant l’occasion de rétablir le système parlementaire par lequel son pays et lui ont grandi simultanément.

La cause générale de la retraite de M. Ratazzi a été la marche même des événemens. La politique de Villafranca avait forcé M. de Cavour à quitter le pouvoir : cette politique ayant été abandonnée, la rentrée de M. de Gavour aux affaires était inévitable. La politique antérieure à Villafranca étant reprise, l’homme qui avait créé cette politique devenait nécessaire. La conclusion était évidente à Turin aussi bien qu’à Paris et à Londres. Cet arrêt de l’opinion frappait d’une incurable faiblesse le ministère Ratazzi. Ce ministère d’ailleurs, affaibli déjà par le défaut d’homogénéité, avait trahi son insulîisance et son incertitude par de regrettables fautes de conduite. M. Ratazzi, qui avait inquiété le pays par certaines nominations de gouverneurs, avait achevé de se perdre auprès du public par les manœuvres à l’aide desquelles il avait essayé en vain de combattre la popularité menaçante de M. de Cavour. Telle était cette association électorale que l’on avait couverte du nom d’un homme qui est à sa place à la tête d’un corps de partisans, mais qui ne brille point par le sens politique, le général Garibaldi. Ces intrigues produisirent une scission au sein des libéraux. L’ancienne majorité de la chambre piémontaise se groupa autour du comte de Gavour ; le ministère resta avec une fraction peu unie et mal disciplinée de la gauche. Le pays réclamait en outre des arméniens qui ne se faisaient point, et le cabinet Ratazzi à la faute de négliger les précautions militaires ajoutait une maladroite obstination à ne point convoquer le parlement.

C’est dans cet état de choses qu’une occasion s’offrit à M. de Gavour de rentrer sur le théâtre de la politique active. Lord John Russell avait, à plusieurs reprises, manifesté le désir de conférer avec M. de Cavour sur les affaires d’Italie. Le ministère Ratazzi crut habile de répondre à cette disposition du secrétaire d’état de sa majesté britannique en offrant à M. de Cavour une mission à Paris et à Londres. Le ministère trouvait dans cette mission le double avantage d’éloigner du Piémont l’homme que l’opinion publique s’obstinait à regarder comme l’adversaire et le successeur du cabinet Ratazzi, et d’acquérir quoique force en associant indirectement à sa