Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’influence du climat, du sol, du régime, à l’absence de l’hygiène, à une démoralisation précoce ou profonde, à la transmission héréditaire d’un germe morbide.

Alors la question s’agrandit et se généralisa. Les plus graves problèmes d’anthropologie, de psychologie, d’économie sociale, se trouvèrent liés à l’étude en apparence circonscrite et spéciale du crétinisme et de l’aliénation mentale ; la pathologie des maladies de l’intelligence ouvrit des aperçus nouveaux à des sciences qui l’avaient trop longtemps dédaignée. C’est à ce point qu’a été amenée depuis peu l’étude des dégénérescences humaines, dont le traitement des idiots et des crétins n’est plus qu’un cas particulier. Les anomalies de l’organisation doivent trouver leur place dans l’histoire générale de l’humanité ; elles en composent sans doute l’une des plus tristes pages, mais cette page est la plus indispensable à méditer, et c’est en vue de cette méditation qu’on me permettra d’esquisser un rapide exposé de faits trop généralement ignorés, et dont on ne saurait cependant sans imprudence détourner les yeux.


I

L’homme a été créé d’après un type qui s’est perpétué depuis la plus haute antiquité à laquelle on puisse remonter. Ce type, constant dans ses caractères principaux, subit dans ses traits secondaires des modifications qui n’en changent point l’aspect général et ne lui ôtent pas la propriété de se transmettre par la génération. La variété de ces traits accessoires constitue la différence des races et celle des individus. Né en des lieux divers et dans des conditions variables, soumis à des genres de vie particuliers, l’homme tend toujours à mettre le jeu de ses fonctions en équilibre avec les circonstances physiques qui réagissent contre son économie, et pour cela il faut que certaines fonctions générales prédominent sur les autres. De là pour chaque individu un mode spécial de phénomènes physiologiques, mode qui se reflète dans la physionomie, les formes, le port et jusque dans les gestes : c’est ce qu’on désigne par le mot tempérament. Chaque homme a le sien ; mais à travers ces innombrables variétés de constitutions, on discerne quelques caractères communs qui servent à répartir les tempéramens en un petit nombre de classes. La production du tempérament n’est pas une dégénérescence, c’est-à-dire une déviation irrégulière et maladive, une décomposition du type normal, affaiblissant la vitalité de l’individu et de ses descendans. Sans doute la race peut prendre parfois le caractère d’un véritable abâtardissement, elle peut confiner à la dégénérescence ; mais elle s’en distingue profondément, parce que cet abâtardissement est compatible avec le jeu régulier des fonctions,