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Le moral exerce sur le physique une influence de tous les instans. Quelque maître qu’un homme se soit rendu de ses besoins, de ses passions, c’est-à-dire de son organisation corporelle, il demeure toujours soumis à la réaction de la matière sur l’esprit, réaction moins prononcée aux époques où la vie intellectuelle est la plus forte et la plus active, où les organes se trouvent dans un équilibre plus parfait. L’influence du moral sur le physique n’est pas moins constante que l’effet inverse ; l’économie subit constamment le contre-coup des pensées qui agitent l’esprit, des émotions, des chagrins auxquels nous sommes en proie. Si l’état de trouble et d’inquiétude où se trouve l’intelligence se continue et s’accroît, le cerveau, le système nerveux, ne tardent pas à réfléchir le mal moral qui nous consume ; nos sens se bouleversent, nos fonctions se dérangent, et tandis que notre intelligence s’abaisse par l’effet d’une trop grande dépression ou d’une extrême surexcitation, l’organisme perd à son tour la régularité de ses mouvemens, les fonctions se dépravent, et l’homme se dégrade. Il y a conséquemment une quatrième et dernière classe de causes de dégénérescence, les causes morales.

On pense bien que cette division quadripartite n’a rien d’absolu. Ces quatre classes ne sont point séparées par des caractères nets et tranchés, et le plus grand nombre des dégénérescences est dû à l’action combinée de ces différentes causes ; mais, pour être compris et convenablement exposés, les faits ont besoin d’être soumis à une analyse qui sépare artificiellement ce que la nature a réuni. Vraie dans ses linéamens généraux, la classification adoptée ici ne peut que difficilement être appliquée dans le détail ; elle est plutôt destinée à faire concevoir les phénomènes physiologiques qu’à guider dans leurs recherches l’observateur et le praticien. Toutefois il est certaines dégénérescences dans lesquelles prédomine évidemment l’un des quatre ordres de causes, et qui deviennent alors en quelque sorte typiques. Je choisirai quelques-unes de ces dégénérescences pour faire comprendre ce qui se passe lorsque l’organisme se dégrade sous l’influence tranchée de l’une de ces causes, et caractériser le mode d’action qui lui est propre.

Il nous faut revenir ici sur le crétin, ce type d’une des dégénérescences les plus marquées de l’espèce humaine, et, après en avoir tracé à grands traits la triste image, l’étudier dans ses détails caractéristiques. Les crétins sont presque toujours des êtres d’une constitution scrofuleuse et rachitique. Quoiqu’on ne puisse se méprendre à leur vue et les confondre avec des individus simplement débiles ou maladifs, ils sont loin d’offrir une constitution uniforme et une apparence corporelle identique. Ainsi que l’a remarqué un savant aliéniste, M. Ferras, certains crétins ont la taille ramassée,