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et passent une moitié de la journée à faire la sieste. Le travail des mains est fort dédaigné, même la broderie ; on laisse cette occupation aux filles de chambre. On pourrait croire que l’ennui pénètre dans des intérieurs aussi tranquilles, et qu’une vie aussi peu animée laisse quelque amertume dans l’esprit. Nullement; l’habitude est plus forte que la nature. Le canapé sert constamment de lit de repos; le journal de modes distrait un moment; le reste du temps se passe à prendre le thé, à fumer des cigarettes, à croquer des amandes de citrouilles ou de tournesol, ou encore à jouer aux cartes.

La classe moyenne est représentée par les habitans qui ne sont point serfs, tels que les marchands, les petits nobles polonais, les employés et les Juifs. On compte trois classes de commerçans, qu’on appelle guildes; la première guilde, pour laquelle il faut déclarer un actif de 60,000 francs, donne privilège pour les marchandises exotiques : les banquiers, les armateurs appartiennent à cette classe, qui paie au trésor de la couronne une espèce de patente fixe annuelle de 10,000 francs. La deuxième guilde paie un droit annuel de 2,200 francs; ceux qui veulent être admis dans cette catégorie doivent justifier d’un capital de 24,000 francs, et peuvent exercer le commerce sur toutes les marchandises étrangères ou indigènes; mais il leur est interdit d’élever leurs importations au-dessus de 90,000 roubles (360,000 francs), chiffre illusoire du reste et difficile à contrôler. La troisième guilde paie une patente de 800 francs, qui donne seulement le droit de vendre des marchandises achetées chez les commerçans des deux autres classes ; elle doit posséder un capital de 10,000 francs. Le commerçant qui appartient à l’une des trois guildes peut établir d’ailleurs des succursales dans tout l’empire; il en résulte que de nombreuses maisons de commerce se fondent sans payer le droit des guildes en empruntant le nom des patentés inscrits. On ne compte dans tout l’empire qu’environ 2,500 marchands dans la première guilde, 6 ou 7,000 dans la deuxième, et 170,000 dans la troisième. Il existe néanmoins un certain nombre d’industries à qui l’on délivre un certificat et qui paient une patente fixe; elles comprennent tout le petit commerce, qui tend à se répandre de jour en jour. Les maîtrises sont inconnues, et chaque ouvrier peut librement exercer une profession sans qu’on exige de lui aucune garantie d’apprentissage. On trouve dans la Petite-Russie des gens qui font tous les états et qui n’en connaissent réellement aucun. Les articles confectionnés sont vendus sur place aux marchands, qui les transportent dans les foires. Les objets d’habillement, de ferronnerie, de cuivrerie, d’ameublement, sont fabriqués dans des villages où tous les habitans exercent la même profession. Il y a des communes entières de peintres qui fournissent cette multitude de ta-