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bleaux peints sur bois qu’on retrouve du château à la chaumière dans toutes les maisons russes.

Les descendans des Polonais qui habitaient la Petite-Russie avant la conquête composent une partie de la classe bourgeoise ; ils sont désignés sous le nom collectif de chiakta ou petite noblesse. Ils possèdent quelques biens immeubles et ils ont conservé leurs franchises; c’est particulièrement cette classe qui fournit aux seigneurs les employés de leurs domaines : ils sont intendans, économes ou écrivains dans presque toutes les fermes. Enfin les Juifs représentent aussi un élément de la bourgeoisie. Dès qu’on a mis le pied dans une ville de la Petite-Russie, on se croirait transporté en Palestine, tant on rencontre de Juifs garnissant les places, les rues, et formant le groupe principal de la population; cette nation féconde semble avoir trouvé la terre promise dans cette fertile contrée : elle peuple à elle seule les trois quarts de tous les bourgs et de toutes les petites villes. Dans les autres pays de l’Europe, les Juifs ne se distinguent du reste de la population que par leurs mœurs et leur industrie; dans la Petite-Russie, ils ont conservé leur costume national, et il est impossible de les confondre avec les autres habitans.

Le séjour des grandes villes est interdit aux Juifs; mais dans les villes de second ordre et dans les bourgs (miestechkis), où la résidence des Israélites est tolérée, ils animent tout de leur activité. Ils habitent de sales maisons en bois, sans clôtures et sans jardins, qui contrastent singulièrement avec l’air de propreté des chaumières de paysans. Presque toutes les petites villes appartiennent à des seigneurs qui permettent à des Juifs marchands de bâtir une espèce de baraque de foire sur un terrain rapproché du groupe des habitations rurales, moyennant une faible redevance annuelle. Il s’est ainsi formé depuis une vingtaine d’années des centres de population avec des élémens tout nouveaux. L’indolence naturelle des paysans, la régularité de leur vie sédentaire, leur antipathie.et leur méfiance pour toute espèce de transactions, donnent beau jeu à l’âpreté des spéculateurs Israélites, qui ont trouvé le moyen de vivre et de s’enrichir en mettant les producteurs à contribution et en s’emparant de toutes les denrées dont l’usage est le plus fréquent. Tous les Juifs des terres noires sont marchands ou exercent une industrie quelconque. Les hommes font l’état de commissionnaires; ils louent des chevaux et des voitures; presque partout ils sont aubergistes. Ils passent pour être adroits contrebandiers et receleurs discrets. Si l’on excepte quelques tailleurs et cordonniers, ils ne se livrent point aux états manuels. Leur industrie principale s’exerce sur les denrées alimentaires ; ils ont presque le monopole de la boucherie et de la meunerie; l’indolence habituelle des habitans laisse toutes les