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laient que de maigres récoltes de seigle, dont ils faisaient leur nourriture quotidienne; aujourd’hui d’excellentes moissons de blé ont complètement remplacé le seigle. Cette transformation est due au meilleur aménagement des fumiers, à l’entretien d’un bétail plus nombreux, à l’introduction dans l’assolement du trèfle et des récoltes-racines. Si des pays presque stériles ont pu modifier si heureusement leur production annuelle, que ne peut-on attendre de la meilleure région de l’Europe!

On estime la production totale de la Russie en céréales à 540 millions d’hectolitres, dont 300 millions sont consommés sur place ou employés à la distillation; 120 millions d’hectolitres sont consacrés aux semailles; le reste s’expédie dans le nord de l’empire, sauf environ 8 millions d’hectolitres de froment, qui sont exportés annuellement en Europe ; ce dernier chiffre d’exportation a quelquefois doublé dans certaines années de disette. La nature a été merveilleusement prodigue envers la partie méridionale de la Russie. D’excellentes récoltes y sont obtenues sans le secours des engrais, et les plantes trouvent dans l’humus tous les élémens qui leur sont nécessaires. Ces heureuses conditions dureront tant que les récoltes n’auront point épuisé les ressources contenues dans le sol superficiel, et par des labours plus profonds il sera encore possible de ramener à la surface des élémens de fertilité qui dorment aujourd’hui en attendant un rôle actif. Les travaux du labourage sont si faciles dans ce sol meuble et uni, que les frais d’exploitation agricole se trouvent réduits à des prix beaucoup moins élevés que partout ailleurs. En France, la seule dépense de l’engrais s’élève quelquefois à la moitié de la récolte; ici cette dépense est supprimée, et le froment, qui revient chez nous à 12 ou 14 fr. L’hectolitre, ne coûte pas plus du quart au cultivateur petit-russien. Il faut ajouter que ce faible prix de revient pourrait encore éprouver des réductions, si l’usage rationnel des engrais permettait d’augmenter du double le produit des récoltes.

On est aujourd’hui parfaitement d’accord sur le rôle nécessaire des engrais en agriculture, et c’est un axiome vérifié par tous les agronomes que le produit des récoltes est toujours en proportion de la fumure employée. La France consomme des engrais pour un milliard à peu près ; elle en perd au moins autant chaque année en négligeant des matières de diverse nature, et il faudrait quatre ou cinq fois cette quantité pour amener l’agriculture nationale au plus haut degré de fertilité. Si un fermier disait en France qu’il a trop d’engrais, on ne le prendrait pas plus au sérieux qu’un homme qui se plaindrait d’avoir trop d’argent. Eh bien! quand on parcourt les domaines de la Petite-Russie, on entend cette parole tous les jours. On n’y connaît point malheureusement le rôle physiologique de cette