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assurait par mariage, à sa fille ce qui lui aurait été contesté par succession, et qui mettait un terme aux désaccords des deux lignes de la maison de Bourbon. Le comte de Montpensier, devenu duc de Bourbonnais et d’Auvergne, demeura possesseur sans trouble de tous les biens des deux lignes tant que dura son mariage ; mais, lorsque Suzanne mourut en 1521, ne laissant point d’héritier qui perpétuât la race et qui reçût les domaines des Bourbons de la branche aînée, la contestation commença, bien que Suzanne eût pris tous les moyens de la prévenir et de l’éviter. Ce qui pouvait lui revenir, elle l’avait cédé à son mari par une donation fortifiée d’un testament.

Y avait-il quelque incertitude sur la transmission de la totalité ou d’une partie de l’héritage? Si l’on considérait le caractère exclusivement masculin qu’avaient pris depuis 1400 les duchés de Bourbonnais et d’Auvergne, le comté de Forez etc., et qu’avait consacré l’adhésion expresse ou tacite de tant de rois, le connétable, comme dernier représentant mâle de cette branche des Bourbons, en était le possesseur substitué. Si l’on considérait la nature particulière de certains biens restés transmissibles aux femmes, tels que la seigneurie de Beaujolais et la principauté de Bombes, le connétable, comme donataire d’abord et légataire ensuite de Suzanne, en était le légitime héritier. Ainsi le voulait à cette époque la règle des héritages, et ce n’était pas à un autre titre que Louis XI avait acquis le comté de Provence, dont le testament de Charles III avait disposé en sa faveur, et qui sans cela serait revenu au duc René II de Lorraine, parent le plus rapproché de Charles III. Le double droit du connétable ne paraissait donc pas douteux : il lui était assuré par la loi monarchique des apanages en ce qui concernait les grands fiefs de sa maison restés ou devenus masculins, par la loi romaine et par l’usage en ce qui concernait les possessions dont les femmes pouvaient être les héritières ou les donatrices.

Cependant la mère du roi lui contesta les uns, et le roi lui-même revendiqua les autres. La duchesse d’Angoulême descendait par les femmes de la maison de Bourbon. Nièce du duc Pierre et cousine-germaine de la duchesse Suzanne, elle était d’un degré plus rapprochée de l’héritage que le connétable de Bourbon. S’autorisant de cette proximité plus grande, elle réclama comme étant ouverte la succession de la duchesse Suzanne. Elle invoqua la coutume ancienne, mais depuis 1400 annulée, qui rendait transmissible aux femmes le Bourbonnais et ses dépendances, et elle s’appuya également sur la concession récente, mais irrégulière, que Louis XII avait faite en 1498 à la fille du duc Pierre. Louise de Savoie y fut poussée par une avidité funeste et une prétention inconsidérée qu’encouragèrent les pernicieux conseils du chancelier Du Prat.