Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/885

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’appauvrissait et le mettait sur le penchant de sa ruine. Si l’empereur lui donnait l’une de ses sœurs en mariage, il était disposé à se soulever dans l’intérieur de la France et à joindre ses forces aux forces espagnoles et anglaises[1]. Il y mettrait en mouvement cinq cents hommes d’armes et huit ou dix mille hommes de pied, au moment où les troupes de Charles-Quint et d’Henri VIII paraîtraient sur les frontières du royaume. Il faisait demander que l’empereur et le roi d’Angleterre, dont il ne craignait pas de flatter les plus ambitieuses convoitises et de ranimer les prétentions à la couronne[2] de France, envoyassent des personnages de confiance et d’autorité dans le voisinage de sa principauté de Dombes, à Bourg en Bresse, où il dépêcherait lui-même son chancelier, pour se mettre d’accord sur les points importans et dresser un traité en règle.

Beaurain communiqua au comte de Surrey, amiral d’Angleterre, qui commandait sur le continent les troupes d’Henri VIII, les propositions du connétable, afin qu’il en instruisît le roi son maître, et il les porta lui-même, vers la fin de l’automne, en Espagne, où l’empereur s’était rendu depuis quelques mois. Dès ce moment, des rapports suivis et secrets s’établirent entre le connétable, l’empereur et le roi d’Angleterre, pour concerter la révolte au dedans et l’invasion du dehors. Henri VIII se montra tout d’abord très favorable aux projets de Bourbon et prêt à conclure une alliance avec lui, il fit même presser Charles-Quint par ses deux ambassadeurs, Richard Sampson et Thomas Boleyn, d’envoyer au plus tôt Beaurain muni des instructions et des pouvoirs nécessaires pour traiter[3]. Beaurain arriva en Angleterre au commencement de février 1523[4]. Il trouva Henri VIII, naguère si zélé, singulièrement refroidi. Ce

  1. « The duke of Burbon not being contented with the inordinate and sensuall governaunce that is used by the French king, is much inclincd and in maner determined to refourme and redresse the insolent demeanures of the said king. » Henri VIII ajoute que le duc de Bourbon y a été induit par plusieurs importans conseillers aussi bien que « by loss of such landes, dominions and seniories as he possessed outwardly, as also the impoverisching and in maner destruccion of his reame;… mynding therefore not oonely to have aliaunce with the emperour by mariage of oon of his susters, but also, in the same may be assuredly promised to take effecte, to joyne with the king and the empereur with his strenght and power at such tyme as they shall make actuall ware in Fraunce. » — State Papers, p. 103, 104.
  2. « The said duke… considering also that the king had title to the crowne of Fraunce, was contented it shuld be notified unto the kinges Highnes. » Ibid., p. 104.
  3. « For whiche purpose the kinges grace thiketh right expedient that the empereur shuld send thider Mons’ de Beuren, with auctoritie power and instructions sufïicient, like as the kinges Highnes shall auctorise summe convenable personne semblably to doo for his parte, etc. » Ibid., p. 104-105.
  4. Dépêches manuscrites de l’évêque de Badajoz et de Louis de Praet, ambassadeurs de Charles-Quint en Angleterre, du 5 et du 13 février 1523. — Archives impériales et royales de Vienne.