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le plus favorable, et qui seraient payés au moyen de 200,000 écus fournis au connétable par Charles-Quint et par Henri VIII, l’archiduc Ferdinand, délégué de son frère en Allemagne et représentant de son autorité impériale, était compris dans ce traité, où il fut formellement établi qu’on ne ferait aucun accord avec l’ennemi commun, sans y comprendre le duc de Bourbon[1].

La nécessité du secret et l’évidence du péril n’avaient pas permis d’appeler des gens de robe longue et de donner à un pareil traité des formes solennelles[2]. Il fut rédigé sous des formes simples par Château, secrétaire de Beaurain, et transcrit à deux exemplaires, dont l’un devait être porté à Charles-Quint et l’autre rester entre les mains de Bourbon. Le connétable et Beaurain le revêtirent de leurs seings privés et en jurèrent sur les Évangiles la fidèle observation, le connétable en son nom, Beaurain au nom de l’empereur[3]. Lorsque tout eut été conclu, le connétable fit entrer vers minuit Saint-Bonnet, seigneur de Bruzon, qu’il se proposait de dépêcher en Espagne. Après avoir pris son serment, il lui dit : « Je vous veux envoyer devers l’empereur, auquel vous direz que je me recommande très humblement à sa bonne grâce, que je le prie de me donner sa sœur en mariage, et que, en me faisant cet honneur, il me trouvera son serviteur, son bon frère et ami[4]. » Saint-Bonnet ayant accepté cette mission, le connétable lui remit une lettre de créance et dit à l’envoyé de l’empereur, d’après les conseils duquel Saint-Bonnet eut ordre de se conduire entièrement : « Monsieur de Beaurain, voici le gentilhomme qui ira avec vous. »

Dans la nuit même, une ou deux heures avant le jour, ils partirent pour Gênes, où ils devaient s’embarquer. Ils traversèrent les montagnes du Forez accompagnés de Lallière et François du Peloux, dont le premier les quitta dans la principauté de Dombes et le second retourna vers le connétable, après les avoir conduits jusqu’en Bresse. Arrivés là, Beaurain écrivit en chiffres plusieurs dépêches qu’il adressa, avec une copie du traité, à l’archiduc Ferdinand par

  1. La copie de ces articles, dont Saint-Vallier rapporte assez fidèlement les stipulations, fut portée en Angleterre par le secrétaire Château et envoyée par Louis de Praet à Charles-Quint dans sa dépêche du 9 août. — Arch. imp. et roy. de Vienne. — J’en donne ici l’extrait.
  2. « Item, que pour le dangier de déceler cette affaire et aussi pour la haste qu’il requiert, n’avoit este possible que aucunes gens de longue robe eussent esté presens à conclure lad. lighe afin de la mectre en forme de lettres patentes selon la coutume. » — Dépêche du 9 août.
  3. « Et jura le dict Bourbon pour sa part, et le dict de Beaurain de la vostre sur les saincts Évangilles, l’effect et articles qui s’en suivent, lesquelx furent mis en escrit en deux billets de la main du d. de Beaurain, et signés des seings manuels des deux sieurs, dont l’ung demeure auprès du d. de Bourbon et l’autre empourta le d. de Beaurain pour le montrer à votre majesté. » — Dépêche du 9 août.
  4. Déposition de Saint-Bonnet du 24 septembre. — Mss. 484, f. 43 v°.