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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/959

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ne saurait approuver; mais ces accessoires perdent beaucoup de leur importance devant la donnée générale. L’opinion publique ne s’y est trompée, ni en France, ni à l’étranger. Ce que tout le monde a vu et compris du premier mot, c’est la tendance marquée vers une plus grande liberté de commerce et d’industrie, en attendant cet autre genre de liberté qui doit former un jour le couronnement de l’édifice, et qui ne peut manquer de suivre tôt ou tard la première, car tout s’enchaîne dans le développement successif des élémens de la prospérité publique.

Qu’il nous soit permis cependant d’exprimer avant tout une réserve et un regret. Fermement attachés au principe de liberté, en économie comme en politique, nous n’en comprenons le triomphe que par la discussion. Tout ce qui tend à l’imposer par voie d’autorité nous paraît contraire au principe même. Lorsque le free trade l’a emporté en Angleterre, il n’a réussi que par la puissance de l’opinion, après une série d’enquêtes et de libres luttes, qui ont fini par dégager la vérité. Ses promoteurs n’ont jamais demandé à la reine Victoria de décréter à elle seule cette innovation si contestée, eux-mêmes ne l’auraient pas acceptée de ses mains. Une enquête nouvelle n’aurait, dit-on, rien produit en France. Qu’en sait-on? L’enquête de l’année dernière sur la législation des céréales a précisément prouvé le contraire, en montrant que les idées de liberté commerciale font de grands progrès parmi les agriculteurs, puisqu’une question qui les trouvait autrefois unanimes dans leur opposition les trouve aujourd’hui partagés.

Quand même une discussion analogue n’aurait pas dû avoir tout à fait le même succès auprès des manufacturiers, était-ce une raison suffisante pour s’en passer? Si l’enquête n’avait pas amené la solution de toutes les questions, elle en aurait toujours éclairé quelques-unes ; on aurait fait quelques pas de plus, et on en aurait préparé d’autres pour un avenir plus ou moins rapproché. Y avait-il donc un tel péril en la demeure qu’il devînt urgent et nécessaire de tout faire à la fois? La nouvelle révolution économique, puisque c’est le mot consacré, ne portera, selon nous, aucune des conséquences extrêmes qu’on lui attribue des deux parts. Considérée en elle-même, elle est certainement un bien, mais dont les effets seront peu sensibles, au moins à l’origine. Le système protecteur n’était plus, quoi qu’on en dise, la base de notre organisation économique. Une nation qui fait annuellement avec le reste du monde pour quatre milliards d’échanges ne peut pas être considérée comme vivant dans l’isolement commercial. Notre commerce extérieur s’accroissait avec rapidité, puisqu’il a quintuplé depuis 1815, et, sans aucun doute, il aurait grandi encore dans tous les cas.