Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Est-il besoin de rappeler ici les principales lois, votées après discussion préalable, qui ont successivement amélioré notre régime douanier : sous la monarchie constitutionnelle, la loi du 9 février 1832, qui a organisé sur de larges bases les entrepôts et le transit; celle du 15 avril de la même année, qui a supprimé la prohibition éventuelle d’entrée et de sortie pour les grains; celles des 2 et 5 juillet 1836, rendues à la suite de l’enquête de 1834, qui ont aboli plusieurs prohibitions et réduit les droits sur un grand nombre d’articles; celle du 25 juin 1840, portant approbation du traité avec la Hollande; celle du 6 mai 1841, qui a prononcé encore de nouvelles réductions; celles de 1845 et 1846, approbatives des conventions passées avec la Belgique et la Sardaigne; celle de 1847, qui a suspendu pour la première fois l’échelle mobile; sous la république, le renouvellement du traité de 1843 avec la Sardaigne et l’approbation du traité de 1847 avec les Deux-Siciles; sous l’empire enfin, les lois de 1856, 1857 et 1859, qui ont consacré de nouvelles et nombreuses réductions de droits?

Sans doute ces victoires successives ont été disputées pied à pied, surtout sous la monarchie parlementaire. Les ministres les plus éclairés et les plus fermes se sont vus contraints de céder sur bien des points pour en gagner d’autres. Sous tous les gouvernemens, une coalition habile et puissante, retranchée dans le sein des chambres législatives, n’a cessé de tenir en échec le pouvoir. Toutes les fois que le drapeau de la liberté commerciale s’est élevé quelque part, on l’a violemment abattu et foulé aux pieds ; mais si la théorie était honnie et proscrite, l’application l’était moins. Dieu merci. Malgré ces résistances passionnées, on a toujours marché depuis trente ans dans le sens de la liberté, si bien que ce qui reste à faire ne saurait se comparer à ce qui s’est fait, en matière de douane du moins.

Le sentiment national a toujours montré une susceptibilité particulière quand il s’est agi de traités de commerce avec les nations étrangères et spécialement avec l’Angleterre. Renfermée dans des limites raisonnables, cette répugnance se comprend et se justifie. Les Anglais, bien plus avancés que nous en connaissances économiques, viennent de montrer qu’ils la partagent. Quand une nation réforme chez elle son tarif, elle n’a de compte à rendre qu’à elle-même; elle peut, si elle s’aperçoit qu’elle se trompe, revenir sur ses pas. Quand elle s’est liée par un engagement bilatéral, elle ne le peut plus. Si cette considération ne suffit pas pour faire exclure systématiquement tout traité de commerce, elle doit au moins apprendre aux gouvernemens à n’aborder qu’avec une extrême prudence ces négociations délicates.

Loin de nous la passion aveugle qui anime contre l’Angleterre