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un nouveau travail à faire, un travail de combinaison et de séparation, qui a pour forme générale la comparaison. Les facultés qui se mettent à l’œuvre, et que l’auteur appelle élaboratives, sont celles qu’avant lui on appelait discursives ; c’est l’abstraction, le jugement, le raisonnement. Elles constituent proprement la pensée, ou ce que Kant nommait l’entendement. La pensée ainsi considérée, et séparée des connaissances proprement dites, est une sorte de mécanisme abstrait, un système d’opérations qui a des lois formelles, et ces lois sont assez importantes pour être l’objet d’une science entière, la logique. On conçoit que, devant en faire le sujet de la seconde partie de son cours, Hamilton se soit borné ici à des généralités dans lesquelles il a su néanmoins introduire des vues neuves, dignes de l’homme qui a promis un nouveau progrès à cette science immuable, la logique.

Enfin, une sixième catégorie de facultés se présente. Jusqu’ici toutes les connaissances, quoique relatives à la nature prédéterminée de l’esprit humain et comme marquées à son empreinte, ont pu être regardées comme intégralement dérivées de l’expérience. Cependant il y a, dans leur acquisition et leur emploi même le plus simple, des conditions, des notions qui ne peuvent être légitimées ni même suggérées par l’expérience seule, et qui s’incorporent tellement à la connaissance même des réalités qu’il faut en rapporter l’origine à l’esprit humain pris en soi. En d’autres termes, l’étude de la conscience nous atteste des facultés régulatives qui constituent pour quelques philosophes la raison proprement dite, le nous des anciens, le locus principiorum des scolastiques. C’est cette autorité propre au moi, et en vertu de laquelle il soumet tout, perceptions, souvenirs, raisonnemens, et les existences mêmes, à certains principes qu’il puise en lui-même et qu’il pose comme les lois des choses. Ces principes sont reconnaissables à un trait qui n’a été distinctement et définitivement marqué que par Leibnitz. Ils sont nécessaires. Cette partie de la science ne fait que de naître, car admise avec certitude, mais avec confusion par Reid, acceptée plutôt par lui comme une croyance que comme une idée, elle n’a été encore traitée scientifiquement que par le philosophe de Kœnigsberg. C’est du moins l’opinion de sir William Hamilton.

Ce qu’il en dit est important, mais fort loin d’être complet. Il n’y a ajouté que deux choses, l’une toute en l’honneur de l’école écossaise. Il a cherché et même réussi à prouver que chez tous les philosophes, et ils sont nombreux, qui ont invoqué le sens commun pour juge des questions philosophiques, cet appel s’adressait, sous un nom populaire, à ce juge-législateur plus dignement qualifié par les noms de raison, de verbe, de vérité. Ainsi le titre de philosophie du sens commun ne serait que l’équivalent modeste de ce que