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Bientôt même il ne put plus rester campé au-dessous de Milan. La campagne était couverte de neige ; ses troupes souffraient beaucoup, et sans espérance de réduire désormais, en l’affamant, la ville à moitié débloquée, Bonnivet prit le parti de s’en retirer complètement : il se replia sur le Tessin, dont il occupa les deux rives et où il demeura en force ; mais dès ce moment le but de la campagne était manqué, la conquête du Milanais était devenue impossible. Le mouvement de retraite commencé par l’échec de Crémone, continué par l’abandon de Monza, rendu plus marqué par le déblocus de Milan, ne devait pas s’arrêter. L’amiral Bonnivet était condamné à perdre ce qu’il tenait encore sur la rive gauche du Tessin, et à être enfin dépossédé de toute la partie de la Lombardie située à la droite de ce fleuve.

L’armée impériale, d’abord faible et prise au dépourvu, s’était peu à peu renforcée et raffermie. Le vieux capitaine italien qui la commandait avait succombé le 28 décembre ; mais avant de mourir il avait vu le succès de ses savantes dispositions et de ses fermes mesures. Charles-Quint avait donné l’ordre à Lannoy, vice-roi de Naples, d’aller remplacer à Milan Prospero Colonna, dont la maladie faisait présager la mort prochaine ; il dépêchait en même temps Beaurain au connétable de Bourbon, qui était à Gênes, pour qu’il devînt en Lombardie son lieutenant-général, représentant sa personne, et qu’il commandât à tout le monde, même au vice-roi de Naples[1]. Lannoy avait remonté la péninsule avec quatre cents hommes d’armes et quatre mille hommes de pied, qu’il devait joindre à l’armée de la ligue[2], déjà grossie sous Prospero Colonna des troupes italiennes conduites par Jean de Médicis et des levées faites par Francesco Sforza. Il amenait le marquis de Pescara, qui consentait à servir avec le vice-roi de Naples, dont il reconnaissait l’autorité politique et ne craignait pas la rivalité militaire. Lannoy, qui apportait de sa vice-royauté une somme d’argent[3] à laquelle s’ajoutèrent 65,000 ducats fournis par l’Italie centrale, et 90,000 tirés du Milanais, appela d’Allemagne six mille lansquenets de plus[4]. Il s’était arrêté à Pavie, d’où il ne se rendit à Milan qu’après la mort

  1. « Sire, cant à Mons. de Bourbon, je ly obeiray en la sorte que Beaurain m’a dit et ly ferey tout le service qui me sera possible. » Lettre de Lannoy à Charles-Quint du 26 janvier 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  2. Lettre écrite de Rome le 7 novembre par l’évêque de Bath à Wolsey. — State Papers, t. VI, p. 191.
  3. « La povreté de cette armée estoit de telle sorte, que si ne fut argent que appourtay de Naples, la dite armée fust desjà rompue. » Charles de Lannoy à l’empereur, du 20 février. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  4. Lettre de Beaurain à Charles-Quint du 25 janvier 1524. — Arch. Imp. et roy. De Vienne.