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de se fortifier si bien qu’il ne pût pas être forcé de combattre, et d’attendre ainsi que l’armée ennemie se dispersât faute d’argent, parce qu’elle ne pourrait bientôt plus continuer la campagne. Le roi tint à ce sujet conseil. Les vieux capitaines et les plus sages furent d’avis de ne pas livrer la bataille. Ils dirent qu’en se maintenant dans la forte position qu’on occupait, ou qu’en se retranchant dans la position plus forte encore de Binasco entre Pavie et Milan, au milieu des canaux d’irrigation, on serait certain de vaincre sans même avoir à combattre, et qu’on gagnerait tout sans rien exposer[1]. L’amiral Bonnivet et le maréchal de Montmorency furent d’une opinion contraire. Bonnivet exprima la sienne avec une confiance hautaine, en déclarant qu’il y aurait de la honte à prendre un parti si timide. « Vous proposez, dit-il, à notre brave roi de se retirer d’ici, de lever le siège, et de fuir une bataille qui se présente à nous tant désirée. Nous autres Français, n’en avons jamais refusé, et n’avons accoustumé de faire la guerre par artifices militaires, mais à belles enseignes découvertes, surtout quand nous avons pour général un vaillant roi qui doit faire combattre les plus poltrons. Les rois portent cet heur avec eux et ils portent aussi la victoire, comme notre petit roi Charles VIII au Taro, notre roi Louis XII à Aygnadel, et notre roi qui est ici à Marignan. Et il ne faut point douter qu’en le voyant aller le premier au combat (car il nous montrera le chemin), sa brave gendarmerie n’en fasse de même et ne passe sur le ventre à cette chétive de l’ennemi qu’elle rencontrera. Par quoi, sire, donnez la bataille[2]. » Le discours de Bonnivet entraîna le roi. François Ier, que sa courageuse ardeur disposait à livrer bataille, se décida à l’accepter lorsqu’elle lui serait offerte. Il fit venir de Milan le sire de La Trémouille et le maréchal de Foix avec tout ce qu’ils purent lui amener de troupes, n’y laissant, sous Théodore Trivulzi, que les forces nécessaires à la garde de la ville et à la surveillance du château. Il attendit ainsi de pied ferme que l’ennemi vînt l’attaquer.

Les impériaux y furent bientôt contraints par la nécessité. Le duc de Bourbon, le vice-roi de Naples, le marquis de Pescara, le marquis de Cività-Sant’Angelo et les chefs des troupes allemandes tinrent conseil le 23 février. Il n’y avait plus de vivres dans leur camp. Il fallait vaincre ou se disperser. Le marquis de Pescara fut d’avis de ne pas différer davantage un engagement devenu indispensable[3], Il dit que, selon le prudent adage italien, cent ans de

  1. Guicciardini, lib. XV. — Relation de la bataille de Pavie et de la prise du roi par Sébastien Moreau, référendaire-général du duché de Milan, Captivité, p. 75, 76.
  2. Vie des grands capitaines. — Brantôme, Discours sur Bonnivet.
  3. « Los de Pavia no querian mas sufrir, y todo el ejército moria de hambre. » Lettre de Pescara à Charles-Quint. — Documentes ineditos, etc., t. IX, p. 482.