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et qu’il s’avançât en droite ligne vers Paris, faible et facile à prendre. Insistant de nouveau sur l’importance qu’avait la possession de cette ville, il ajoutait : « Paris en France est comme Milan en Lombardie. De même que si Milan est pris on perd tout le duché, de même, Paris pris, on perd toute la France. »

Ce fut quelques jours après que, pressé de plus en plus par l’ambassadeur anglais, le duc de Bourbon consentit à prêter serment de fidélité à Henri VIII. Cette grande trahison envers son pays, qu’il allait envahir, comme envers son prince, qu’il voulait renverser du trône, ne le troubla pas un seul instant. Dévot et vindicatif, il se confessa sans agitation, communia avec ferveur avant de passer la frontière, et il dit à Richard Pace, en présence de quatre de ses gentilshommes : « Je vous promets, sur ma foi, de mettre, avec l’aide de mes amis, la couronne sur la tête de notre commun maître[1]. »

Le besoin d’argent l’avait retenu près de deux mois au pied des Alpes avec l’armée victorieuse. Avant de toucher deux traites, de 100,000 ducats chacune, que l’empereur lui avait envoyées sur Gênes pour payer la solde arriérée de ses troupes, et de pouvoir mettre celles-ci en mouvement, Bourbon avait demandé que l’invasion de la France s’exécutât en même temps par la Provence, le Languedoc et la Picardie, afin que François Ier, obligé de diviser le peu de forces qui lui restaient, fût si faible partout qu’il se trouvât dans l’impossibilité de résister nulle part[2]. « Je suis sur le point, écrivait-il à Charles-Quint, de passer outre en France, suivant ce qu’il vous a plu me mander, ayant espoir que, de votre côté, vous ferez diligence et gros effort[3]. » De concert avec Lannoy, qui devait, du Piémont, pourvoir aux nécessités de l’expédition, et avec Beaurain, qui devait en faire partie, il avait annoncé à Henri VIII qu’après avoir reçu l’argent de l’empereur, il n’attendait plus que le sien pour entrer en campagne. « Nous sommes délibérez, lui disaient-ils, de mener dix-neuf mille bons piétons, onze cents lances, quinze cents chevau-légers, avec l’artillerie équipée de munitions à l’avenant. Nous espérons, à l’aide de Dieu, faire chose à l’honneur, réputation de l’empereur et de vous, et sommes déterminés à y employer corps, biens, le sang et la vie[4]. » Lannoy écrivait peu de

  1. Dans une lettre à Henri VIII, du 25 juin, R. Pace lui dit que le duc de Bourbon a prêté le serment de fidélité, mais n’a pas consenti à l’hommage. — Mus. Brit. Vitellius, B. VI, f. 107 à 110.
  2. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 31 mai 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  3. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 24 mai. — Ibid.
  4. Lettre du 16 juin, écrite par le duc de Bourbon, Lannoy et Beaurain à Henri VIII, — Mus. Brit. Vitellius, B. VI, f. 89.