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jours après au cardinal Wolsey que le roi d’Angleterre pénétrerait sans doute en France avec une armée considérable, et ne manquerait pas une aussi belle occasion de recouvrer ce qu’il appelait son royaume[1]. Enfin Richard Pace suppliait avec instance le ministre tout-puissant de Henri VIII d’agir vite et résolument dans l’intérêt et pour la renommée de leur maître. Il faisait dépendre de lui le succès de l’entreprise, et en mettait le revers sous sa responsabilité dans le cas où il ne prendrait pas les mesures propres à la faire réussir. Il avait la hardiesse de lui dire : « Si vous n’avez point égard à ces choses, j’imputerai à votre grâce la perte de la couronne de France[2]. »

Le connétable de Bourbon traversa les Alpes dans les derniers jours de juin, et pénétra sur le territoire français le 1er juillet[3]. Son armée était moins nombreuse qu’il ne l’avait annoncé à Henri VIII, parce qu’il avait été obligé de laisser de l’autre côté des montagnes toutes les troupes dont il n’avait pas pu payer la solde, et qui devaient le rejoindre plus tard après l’avoir reçue ; mais elle était fort aguerrie. Elle se composait de vieux soldats espagnols, allemands, italiens, qui n’avaient pas quitté le drapeau depuis longtemps, et qui, tout aussi bien conduits qu’intrépides, avaient été également victorieux soit en reprenant le duché de Milan sur les Français, soit en le défendant contre eux. L’habitude du succès leur avait donné une grande confiance, et ils joignaient à la solidité que procure l’expérience guerrière l’élan qu’inspire une constante supériorité. D’habiles et vaillans chefs étaient à leur tête. Le connétable de Bourbon s’était fait suivre du marquis de Pescara[4]. Ce célèbre capitaine n’était d’abord pas disposé à prendre part à une expédition qu’il ne dirigerait point. Il était si propre à commander qu’il ne savait pas se plier à obéir. Le duc de Bourbon flatta son orgueil et le décida à accepter le titre de capitaine-général de l’armée dont il conservait lui-même la suprême direction. Afin de lui complaire encore plus, il donna le titre de capitaine-général des Espagnols au marquis del Vasto[5], neveu de Pescara, cher à son affection, formé

  1. Lettre du 24 juin. — Mus. Brit. Vitellius, B. VI, f. 99.
  2. Lettre de Pace à Wolsey du 25 juin. — State Papers, t. VI, p. 314.
  3. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 10 juillet. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  4. « Monseigneur, combien que vous n’ayez rien escrit au marquis de Pescaire de venir avecques moy en cette entreprise, touteffois, voyant que pour vostre service sa venue estoit très nécessaire, je l’en ay prié, luy offrant l’estât de capitaine général de l’armée soubz moy… C’est ung personnaige qui mérite bien ung tel estat. » Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 24 mai, écrite de Chivasso. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  5. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du camp de Draguignan, le 26 juillet.