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15,000 kilomètres carrés, longue de 220 kilomètres environ, et rattachée au continent par un isthme, en partie marécageux, large de 60 kilomètres. Au centre s’élève le massif montagneux de Macuira, qu’un petit chaînon de collines rattache aux dernières ramifications des Andes ; tout le reste de la péninsule se compose de savanes, de lagunes, de forêts de mancenilliers, de mangliers et d’arbres épineux. Quelques ruisseaux, descendus des flancs du Macuira, se perdent dans les sables de la plaine, excepté pendant la saison pluvieuse, où leur cours arrive jusqu’à la mer. Au nord-est, des pointes rocheuses et des îles de récifs, telles que les Monges, Punta-Chimare, Punta-Gallinas, Punta-Chichibacoa, frangent le rivage, et, par leur position transversale à la direction que suivent ordinairement les navires en route pour Carthagène ou Sainte-Marthe, causent un grand nombre de naufrages. Deux ports excellens et admirablement abrités, El Portete et Bahia-Honda, s’ouvrent sur la côte septentrionale de la péninsule, entre le cap la Vela et Punta-Gallinas. C’est à Bahia-Honda que Bolivar, dans ses rêves d’empire, plaçait le siège de la capitale des états hispano-américains ; malgré ses divers avantages, il est probable que la nouvelle cité n’aurait grandi que très lentement, non parce qu’elle est située dans une région plus infertile encore que la plaine de Rio-Hacha, mais parce qu’elle n’est le débouché naturel d’aucune des riches provinces de l’intérieur, et que sa position excentrique en fait une véritable impasse.

Quoi qu’il en soit, tous les établissemens espagnols qui existaient autrefois sur la péninsule ont été depuis longtemps détruits par les Goajires, et le dernier vestige du village de Bahia-Honda, consistant en un hangar appartenant à un négociant de Rio-Hacha, a été brûlé il y a environ dix ans. Il n’existe pas un seul pueblo dans toute la Goajire, et la vie nomade des Indiens nous fait présumer qu’on n’en construira pas de longtemps, si ce n’est dans les gorges de Macuira et sur la rive droite du Rio-de-Hacha. Les Goajires, dont on évalue diversement le nombre de dix-huit à trente mille, vivent surtout du commerce, de la pêche, de l’élève du bétail et des chevaux ; ils sont obligés de changer de demeure selon les saisons, tantôt parcourant les forêts pour recueillir la graine de dividivi, tantôt voguant de baie en baie à la poursuite des tortues ou des dorades, tantôt poussant leurs troupeaux devant eux vers des savanes plus fertiles ou des sources plus abondantes. Leurs cités temporaires sont bientôt bâties ; chaque rancho qui doit abriter une famille s’élève en quelques heures : les hommes plantent quatre pieux en terre, les femmes entrelacent au-dessus des branchages en guise de toit, les enfans renversent la pirogue sous laquelle la famille entière doit passer la nuit, étendue sur le sable blanc. Parfois