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et exécutées dans le calme de l’atelier, cette méditation et ces essais, cette étude de la nature et cette poursuite de l’idéal, ces lenteurs et ces hardiesses de pensée, ce soin infini et ces inspirations heureuses du ciseau, qui ouvrent à un grand artiste les voies les plus sublimes de l’art.

C’est dans cette période, la moins connue de sa vie, que Phidias atteignit toute la plénitude de son talent et fit éclater aux yeux de ses contemporains sa puissante originalité. Alors se produisit au sein de l’école attique une révolution qui en fit la première école du monde : les vieux maîtres étonnés, mais impuissans à changer leur manière ; les maîtres plus jeunes dont la main plus souple se pliait à une seconde éducation, Alcamène le premier, s’élançant à la suite de Phidias ; les élèves accourant de tous les points de la Grèce et remplissant son atelier. Agoracrite de Paros, Paeonius de Thrace étaient les plus habiles, et tel fut sur eux l’ascendant de Phidias qu’ils ne le quittèrent plus tant qu’il vécut. Le jour approchait où le maître aurait besoin, pour le seconder, de mains nombreuses et exercées. Il s’appliquait donc à former une génération qui sût rendre sa pensée et reproduire son style ; le Parthénon nous apprend comment il y réussit.

Les travaux qui occupaient en même temps Phidias n’avaient plus l’importance des œuvres que lui commandait Cimon ; mais au lieu des proportions colossales qui ne frappent que le vulgaire, ces nouvelles statues avaient une beauté et une perfection que les connaisseurs ne se lassaient pas d’admirer. Il est à remarquer que ce sont celles que citent de préférence les historiens et les critiques. Il semble que Phidias s’y soit révélé pour la première fois à lui-même et à son siècle.

La plus célèbre de ces statues et la plus ancienne était la Minerve lemnienne, en bronze. Les habitans de Lemnos l’avaient consacrée dans l’Acropole. Comme leur île fut conquise après les guerres médiques, il est vraisemblable qu’ils tardèrent peu à reconnaître par cette offrande la divinité protectrice d’Athènes. C’était, dit Pausanias, le plus admirable de tous les ouvrages de Phidias. Pline ajoute que cette Minerve était tellement belle qu’on ne la désignait plus que par sa beauté, en guise de surnom : on disait la belle Lemnienne. Quatre fois déjà Phidias s’était efforcé de créer un type idéal de Minerve, et combien n’en devait-il pas créer encore ! Cependant ni la Minerve de Pellène, ni celle de l’Acropole, ni celles de Platées et de Delphes n’ont excité l’enthousiasme des anciens. On ne voit même pas qu’elles aient obtenu un seul éloge. La Lemnienne au contraire fut si universellement admirée qu’on ne peut expliquer son succès par les vicissitudes auxquelles sont soumis les artistes