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nous en dit Lomazzo, qui possédait lui-même « une petite tête de terre du Christ enfant, de la propre main de Léonard de Vinci, dans laquelle on voyait la simplicité et la pureté de l’enfance, accompagnées d’un je ne sais quoi de sage, d’intelligent et de majestueux. » Il cite encore un cheval en relief que possédait un sculpteur d’Arezzo nommé Léon. Ces ouvrages sont perdus, et je crois qu’il faut regarder comme apocryphes les statuettes et les terres cuites qu’on trouve en assez grand nombre dans les collections, et qu’on attribue à Léonard.

Ces travaux si variés n’interrompaient point les études qu’il faisait pour le monument équestre de François Sforza, dont il avait commencé le modèle peu de temps après son arrivée à Milan. Chose singulière, nous ne voyons guère en Léonard qu’un grand peintre, et c’est comme sculpteur que ses contemporains l’ont surtout apprécié. C’est sur cette œuvre gigantesque qu’il comptait lui-même pour immortaliser son nom, et il faut dire que ses études chez Verrocchio, le goût tout particulier qu’il avait pour les chevaux, ses admirables travaux d’anatomie paraissaient l’avoir destiné plus qu’aucun autre à réussir dans une pareille entreprise. Il ne nous reste pas même un croquis d’un travail que Léonard accomplit dans toute la force de l’âge et du talent, et qu’il ne mit pas moins de seize années à terminer. Une note qui se trouve sur la couverture de son Traité des Ombres et de la Lumière nous apprend qu’il fit deux fois le modèle de ce monument[1]. L’armature destinée à soutenir l’énorme masse de terre qu’il devait y employer le préoccupa beaucoup, et les marges de ses manuscrits sont couvertes de dessins de machines et d’échafaudages qui ne peuvent pas avoir eu d’autre destination. Cette statue devait être colossale, car Léonard avait calculé lui-même qu’il faudrait 100,000 livres de bronze pour la couler. Une ancienne gravure, qu’on croit être de sa main, et qui est décrite dans l’édition que Vallardi a donné de Gerli[2], paraît s’y rapporter et présente quatre projets différens. Dans ces esquisses, les cavaliers portent le bâton du commandement. Deux d’entre elles donnent aux chevaux pour point d’appui un guerrier renversé, ce qui indiquerait que Léonard avait eu l’intention de représenter son héros combattant. D’autres dessins de chevaux se trouvent dans le volume du Louvre et dans d’autres collections ; mais ces indications sont vagues et insuffisantes, et on a cru jusqu’à ces dernières années qu’il faudrait renoncer à se faire une idée, même approximative, de ce grand ouvrage. Cependant un manuscrit de la bibliothèque impériale, rapporté de

  1. « 2 avril 1490. Je commençai le présent livre, et je recommençai le cheval. »
  2. Gerli, Disegni di Leonardo da Vinci, con note illustrative da G. Vallardi, Milano 1830.