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mathématiques. » On trouve dans ses dessins des machines pour laminer le fer, pour faire des limes, des vis, des scies, pour dévider, tondre le drap, raboter, creuser des fossés, sonder, labourer, en se servant du vent comme force motrice, — un tourne-broche, encore en usage à Rome, que met en mouvement l’air raréfié par la chaleur du foyer. Enfin le plan très détaillé de son fameux canon (archi-tonnerre, architonitro) prouve qu’il avait eu l’idée d’employer la vapeur d’eau comme agent de propulsion[1].

Louis XII aimait les arts, il les protégeait avec intelligence. Admirateur de l’école lombarde, il n’encourageait pas moins nos écoles nationales. C’est sous son règne que notre architecture arriva à ce merveilleux développement si malheureusement arrêté sous François Ier par le mauvais goût des artistes italiens de Fontainebleau. C’est le cardinal d’Amboise qui faisait venir Andréa Solari pour décorer le charmant château de Gaillon, c’est son frère qui achevait l’hôtel de Cluny, c’est un de ses neveux, le maréchal de Chaumont, qui protégeait Léonard de Vinci contre le mauvais vouloir de ses propres compatriotes, et cherchait à l’attirer en France. En 1507, Léonard avait reçu le titre de « peintre du roi ; » mais Amoretti se trompe lorsqu’il dit que Léonard avait fait un voyage en France dès 1506, car, le 12 janvier 1507, l’ambassadeur Francesco Pandolfini écrivait de Blois à la seigneurie de Florence : «… Me trouvant ce matin en présence du roi très chrétien, sa majesté m’appela, disant : Il faut que vos seigneurs me rendent un service. Écrivez-leur que je désire me servir de maître Léonard leur peintre, qui se trouve à Milan, désirant qu’il me fasse certaines choses, et voyez que ces seigneurs lui enjoignent de me servir promptement, et qu’il ne parte pas de Milan avant mon arrivée. Il est bon maître, et je désire avoir certaines choses de sa main. Écrivez à Florence de manière à obtenir ce résultat, et faites-le promptement en m’envoyant la lettre… Et tout cela est venu d’un petit tableau de sa main qui a été apporté dernièrement ici de là-bas et jugé un très excellent ouvrage. Dans la conversation, je demandai à sa majesté quelles œuvres elle désirait de lui. Elle me répondit : Certains petits tableaux de notre dame et autres, suivant que cela me viendra dans l’idée ; peut-être aussi lui ferai-je faire mon portrait… »

Léonard ne jouit pas longtemps de la position, si conforme à ses goûts, que le maréchal de Chaumont lui avait faite. La mort lui avait enlevé dès 1511 un protecteur qui était un ami. Bientôt après, des événemens plus graves vinrent renverser tous ses projets d’étude et de repos. Les soldats de la sainte ligue avaient replacé le

  1. Venturi, Essai sur les Ouvrages physico-mathématiques de Léonard de Vinci, Paris, Dupont, an V, et Libri, Histoire des Sciences mathématiques en Italie, t. III. — La bibliothèque de l’Institut possède douze volumes de manuscrits de Léonard.