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crible balancé par un moteur hydraulique et soumis à la pression d’un plateau de bois dur ; tous les grains qui passent à travers les jours sont recueillis sur une série de toiles métalliques à mailles de plus en plus étroites, et dont la dernière sépare une poussière qui repasse au battage. Les grains les plus fins sont destinés aux mousquets, les autres aux bouches à feu, car presque partout l’usage a prévalu de préférer pour celles-ci une poudre plus grosse, dont l’action sur les parois est moins destructive.

Après le grenage, il ne reste plus, pour compléter la fabrication, qu’à sécher et à lisser la poudre obtenue. Autrefois le séchage se faisait au soleil, et l’on était à la merci de la saison et des intempéries ; maintenant un courant d’air chaud est lancé sur la poudre, répandue en couches minces, et malgré l’intervention obligée du feu, qu’il est aisé d’ailleurs d’éloigner beaucoup, ce nouveau procédé de séchage n’est pas plus dangereux que l’ancien, il l’est même moins peut-être, la durée étant plus courte. À cet état, la poudre est achevée ; mais au moindre déplacement les grains irréguliers donneraient, par le frottement, une assez grande quantité de poussier qui nuirait à la force de la poudre. Le lissage remédie à cet inconvénient ; il s’opère dans des tonneaux traversés par quelques barres de bois dur, qui tournent avec lenteur sur elles-mêmes. Le frottement des grains les uns sur les autres en fait disparaître les aspérités, et en rend la surface tellement dure et polie que si une poudre était trop lissée, elle ne prendrait feu qu’à grand’peine. La poudre lissée devient aussi bien moins accessible aux effets de l’humidité. C’est encore le lissage qui donne aux poudres de chasse leur apparence nette et brillante. Une raison d’économie le fait peut-être trop négliger dans les poudres de guerre françaises, et elles contiennent souvent une assez forte proportion de poussier. En Russie et en Autriche au contraire, les maîtres poudriers font le lissage avec un soin extrême, qui donne à leurs produits une apparence fort belle, mais quelquefois trompeuse, car la poudre à mousquet française, malgré un extérieur peu brillant, a une régularité de composition et de fabrication qui lui assigne le premier rang parmi les poudres de guerre. Enfermée dans des magasins très secs, elle est susceptible d’une conservation presque indéfinie. On a soumis à de curieuses expériences des poudres françaises datant de près d’un siècle et demi, dont la qualité égalait celles des poudres récentes. N’est-il pas singulier qu’une aussi longue durée soit le partage d’un corps dont l’existence paraît si éphémère ? C’est surtout à la granulation et au lissage qu’un tel résultat est dû.

La poudre est inaltérable à la température ordinaire, elle ne brûle même qu’à la chaleur rouge ou au contact d’un corps porté à cette