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sifflets. Une de ces sociétés, connue sous le nom formidable de Savage Club, donnait il y a quelques semaines une représentation burlesque au Lyceum Theatre. La reine était présente, et la salle était comble. Les noms des sauvages étaient ceux de gentlemen bien posés dans le monde. L’affiche du spectacle annonçait l’École du Scandale, par Sheridan, et les Quarante Voleurs, farce tirée des Mille et Une Nuits. La seconde pièce obtint assez de succès. Ce qu’il y avait de plus méritoire était le but de la représentation : il s’agissait de réunir une somme d’argent pour venir au secours des veuves et des orphelins laissés par deux écrivains populaires qui sont morts dernièrement. La recette s’éleva, dit-on, à plus de 3,000 livres sterling. La charité couvre une multitude de fautes, dit la Bible, et celles du Savage Club, si fautes il y a, tiennent à une sorte d’inexpérience de la scène qu’on excuse volontiers chez des amateurs. Les noms si justement estimés de Charles Dickens et d’Albert Smith[1] ne sont point étrangers à quelques-uns de ces clubs plus ou moins dramatiques.

Les jeunes gens de bonne famille et qui ont reçu de l’éducation recherchent encore volontiers les debating clubs, Ces institutions, aussi anciennes que la libre Angleterre, se proposent de former les débutans au talent de la parole. Quelques années avant le succès du premier reform bill, il existait à Cambridge un debating club, club des débats, qu’on appelait l’Union. Les chefs de l’opposition et le gouvernement tenaient les yeux ouverts sur cette école oratoire. Si l’un des membres, pour la plupart étudians, s’y distinguait par son éloquence, on le remarquait, et il y avait des chances pour qu’il fût envoyé plus tard au parlement. Je ne doute point que ces institutions, les debating clubs, ne contribuent à développer le don d’élocution facile chez les Anglais, et je m’étonne moins après cela de les trouver presque tous plus ou moins orateurs. On a pourtant reproché à de telles passes d’armes de l’esprit certains abus. Un programme étant tracé d’avance, les orateurs cherchent plutôt à soutenir n’importe quel côté de la question qu’à découvrir le vrai et à s’éclairer par l’étincelle qui jaillit du choc de la controverse. Dans ce dernier cas, les debating clubs ont pour danger, dit-on, d’affaiblir la conscience tout en fortifiant l’usage de la parole. Ces sociétés sont souvent tout à fait étrangères à la politique ; on y discute des questions de droit, de morale et de littérature. Le fait suivant donnera une idée de la nature des débats et du genre d’esprit qui réussit volontiers dans ces réunions. « Le sens de l’odorat fournit-il à

  1. L’un des écrivains les plus éminens de la Grande-Bretagne, auteur de Christopher Tadpole, de plusieurs fantaisies et de pièces de théâtre remarquables. Il raconte en ce moment son voyage en Chine dans des soirées littéraires et amusantes qui ont un succès unique à Londres, et dont nous espérons donner bientôt une idée dans la Revue.