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des écorces et des feuillages textiles. Le pignon d’Inde, le croton tiglium, le bancoulier, l’olivier même, portent des fruits riches en huiles. D’autres sont estimés pour leurs propriétés tinctoriales, pharmaceutiques ou aromatiques. L’ébénisterie surtout connaît des essences dont les veines riches, l’éclat velouté et l’élastique souplesse des tissus rivalisent avec l’acajou et le palissandre. L’exploitation en est facile ; les arbres les plus éloignés dans l’intérieur ou sur les pentes des montagnes ne sont pas à plus de quatre jours du littoral. Malheureusement à Bourbon, comme dans la plupart des colonies, les mêmes espèces ne sont pas groupées par masses homogènes ; des individus de toute famille sont confusément entremêlés, ce qui oblige de recourir à la méthode fort coûteuse du jardinage, à moins que l’on ne tire en même temps parti de tous les sujets, suivant les propriétés de chacun. Ils acquièrent d’ailleurs rarement de fortes dimensions à cause du peu de profondeur du sol.

On hésite à recommander l’exploitation des richesses forestières de l’île en songeant que la hache du planteur et du charbonnier n’a que trop dévasté les bois. Autrefois l’île tout entière était une forêt qui des sommets descendait jusqu’au rivage de la mer ; les déboisemens l’ont réduite à une zone de quelques kilomètres dans le haut de la seconde zone et sur les montagnes : le fer et le feu, l’insouciance et la cupidité ont commis ces ravages. Les déboisemens excessifs ont, à Bourbon comme ailleurs, dénudé les pentes, livré aux vents et aux ouragans la surface du sol dépouillé. Une profonde perturbation climatérique en a été la conséquence, et l’on n’impute point à d’autres causes une alternance de longues sécheresses et de pluies torrentielles bien plus prononcée qu’autrefois. Des règlemens administratifs ont naguère essayé de réparer les désastres : l’avenir dira s’il n’est pas trop tard. Frappés de ce péril, quelques hommes prévoyans du siècle dernier et de notre époque ont tenté de les conjurer au moyen de plantations considérables, pour lesquelles ils ont mis à contribution l’Australie, la Chine, l’archipel indien, l’Inde, Madagascar, l’Abyssinie, la côte orientale d’Afrique, le Cap, l’Amérique méridionale, même l’Algérie et le midi de la France. À leur tour, ces belles plantations et les parcs qu’elles ombrageaient disparaissent sous l’invasion de la canne à sucre, et la colonie ne peut plus qu’implorer la conservation de ce qui lui reste de richesses forestières données par la nature.

On s’applique, par des travaux plus directs, à régulariser le cours des eaux au moyen de barrages et de canaux, de ponts et d’aqueducs, que la forme de l’île réclame à chaque pas. Les usines y disputent les eaux à l’irrigation, les villes les enlèvent aux campagnes. ! Aussi les travaux hydrographiques, marqués au coin d’une certaine indécision, sont-ils moins avancés que ceux de la viabilité, qui représentent