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fit part au ministre Pitt, qui ne paraît pas avoir partagé son enthousiasme. Les successeurs de ce grand homme firent un accueil plus favorable à Congreve, et mirent à sa disposition un certain nombre de petits bâtimens avec lesquels il espérait détruire la flottille de Boulogne. Le 8 octobre 1806, dix-huit bateaux, sous la direction du commodore Owen, lancèrent plus de deux cents fusées qui produisirent d’abord une grande surprise. En moins de dix minutes, la ville parut couverte de feu ; mais le dégât produit par cette attaque fut peu considérable, et le commodore ne crut pas devoir la renouveler. Cet échec ne découragea pas le général Congreve, ses engins jouèrent un rôle à l’attaque de Copenhague en 1807, à celle de la flotte de Rochefort en 1809, et même à la bataille de Leipzig, où se trouvait un détachement de fuséens anglais. Les partisans de cette arme lui ont conservé leur confiance malgré bien des expériences malheureuses. On répétait sans cesse qu’outre l’effet redoutable de tous les projectiles creux, les fusées de guerre auraient une action spéciale contre la cavalerie en effrayant les chevaux et en mettant le désordre parmi les escadrons, contre l’artillerie en faisant sauter les caissons, contre les villes et les arsenaux en y promenant l’incendie. L’expérience a prouvé qu’il y avait beaucoup à rabattre de ces espérances, les chevaux ne se sont pas plus effarouchés des fusées que des canons et de tous les autres bruits de guerre, et quant aux effets incendiaires, l’incertitude du tir en a beaucoup diminué le danger.

Dans la dernière campagne, les Autrichiens ont consommé un grand nombre de fusées auxquelles l’opinion générale accordait une certaine supériorité ; mais l’événement a fait voir qu’ils s’étaient bercés de beaucoup d’illusions, il n’est pas même bien prouvé que ces fameuses raquettes aient produit dans nos rangs une seule blessure. C’est que si les fusées sont exposées dans leur trajet aux mêmes causes de déviations que tous les projectiles, ces causes deviennent bien plus efficaces, le corps en mouvement ne possédant qu’un faible poids en comparaison de son volume. Des irrégularités peuvent encore provenir d’une matière fusante imparfaite ou humide, de mille circonstances qui activent la combustion sur une face plus que sur l’autre. L’action perturbatrice contre laquelle on est surtout sans défense, c’est celle de l’air sur la baguette directrice elle-même ; la moindre bouffée de vent qui viendra la frapper traitera cette partie légère comme une girouette, et fera tourner la fusée autour de son centre de gravité. Sous l’influence de ces causes si diverses et si soudaines et en dépit des précautions les plus minutieuses, les fusées peuvent prendre des directions tout à fait imprévues ; en présence des nombreux accidens qu’elles ont causés, on a pu avec assez de