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commençait à poindre ; le fugitif n’eut que le temps de se jeter dans un marécage où il resta toute la journée, plongé dans l’eau jusqu’aux aisselles et caché dans une épaisse touffe de joncs. Le soir seulement, il osa quitter ce dangereux abri, et il se rendit à Missolonghi, que les musulmans assiégèrent peu de temps après (1825). Pendant ce siège, qui coûta à la Grèce son sang le plus généreux, Zalokostas se distingua par un trait d’audace vraiment héroïque. Au bout de plusieurs mois de blocus, la ville était réduite aux dernières extrémités ; ses défenseurs, décimés par la faim, les maladies et le feu de l’ennemi, suffisaient à peine à la garde des murs. Un soir, de grands feux, allumés sur le sommet des monts qui bornent au nord la plaine de Missolonghi, annoncèrent aux assiégés qu’un renfort inespéré leur arrivait de ce côté ; mais il y avait peu d’espoir que ceux qui venaient ainsi à leur secours parvinssent à traverser les lignes ottomanes : il s’agissait donc de leur frayer un passage. À la faveur d’une nuit profondément obscure, Zalokostas, accompagné d’un seul homme et chargé de matières incendiaires, sortit de la ville, trompa les avant-postes ennemis en leur adressant la parole en albanais, et pénétra au centre même du camp. Ayant choisi l’endroit où les tentes se trouvaient le plus rapprochées les unes des autres, il entoura l’un de ces abris de résine et de poix, y mit le feu et s’éloigna. Il comptait que l’incendie gagnerait de proche en proche et pratiquerait une large trouée, à travers laquelle le renfort si ardemment désiré pourrait passer peut-être en profitant du tumulte et de la confusion que cet accident ne manquerait pas de faire naître parmi les Turcs. Son compagnon ayant été reconnu par un soldat et tué d’un coup de pistolet, Zalokostas le vengea sur l’heure, chargea sur ses épaules le cadavre de son ami, et put regagner la ville, grâce au désordre causé par l’explosion de l’incendie. Malheureusement le temps était très calme, le feu se propageait lentement, une pluie torrentielle survint, les flammes furent éteintes, et la ville ne put être secourue.

Quelques semaines plus tard, les Missolonghiotes au désespoir effectuèrent cette sortie qui est restée justement célèbre. Le soldat-poète était de la troupe héroïque qui chercha à se faire jour l’épée à la main à travers les Turcs, et qui fut aux trois quarts massacrée. Après avoir erré quelque temps dans les montagnes du canton de Zigos, il rencontra un petit nombre de Souliotes avec lesquels il réussit à traverser le golfe de Lépante sur une barque abandonnée. Ils rejoignirent ensemble à Nauplie le fameux partisan Caraïskakis, qui venait d’être investi par le gouvernement du commandement des armées de terre et chargé de déloger les Turcs de l’acropole d’Athènes. Zalokostas échappa ainsi à tous les dangers ; on le verra