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regretter plus tard de n’avoir pas été atteint, comme tant d’autres, par une balle ennemie.

Après la pacification de la Grèce, il entra au service du roi Othon. Il semble que l’heureuse étoile qui l’avait constamment protégé pendant dix années d’une existence pleine d’aventures et de périls l’ait abandonné à partir du jour où sa vie cessa d’être exposée à la chance des batailles. En effet, malgré sa réputation de bravoure et sa renommée de poète, il ne sortit pas des grades subalternes de l’armée, et il fut aussi frappé alors dans ses affections les plus chères par la perte d’un enfant tendrement aimé. La douleur profonde qu’il ressentit lui inspira les stances suivantes adressées à la lune :


« O lune bien-aimée, tu ne souffres pas, et je souffre ; pourquoi donc parais-tu si triste là-haut dans le ciel ?

« Toi qui répands tes rayons d’or sur la terre et de magiques enchantemens sur les flots, pourquoi m’enveloppes-tu d’une lueur si pâle que je ressemble à un trépassé dans son tombeau ?

« O lune, parmi les anges qui habitent tes royaumes, mon ange n’est-il pas ? Et n’est-ce pas un baiser de tes lèvres que ta lumière m’apporte ?

« Écoute ma prière, prends ce soupir, et dis à mon enfant que mon âme dort avec lui sous la terre. Et s’il veut savoir quand mes maux finiront, réponds-lui qu’ils ne seront terminés que lorsque tes rayons bleus rencontreront ma tombe. »


Ce fut pour le talent de Zalokostas l’occasion d’une remarquable transformation. L’enthousiasme de la liberté, l’enivrement du combat, l’éclat des aventures guerrières, s’effacent en lui devant le sentiment de douleur qui l’absorbe. Sa muse se replie tristement sur elle-même, et en même temps rencontre des inspirations plus pénétrantes, qui se traduisent en de moins rudes accens. De cette époque datent ses meilleures poésies fugitives. Il en est une, le Poète, dans laquelle Zalokostas fait allusion à lui-même et au pressentiment de sa fin prochaine :


« L’étoile du matin tremble à l’horizon ; les coteaux, les bois, les montagnes ne sont encore que des ombres douteuses ; les prés s’abreuvent de la rosée nocturne ; le rossignol chante, et de blanches lueurs paraissent et disparaissent sur les vagues irisées de la mer.

« Les esprits invisibles tressent des couronnes d’or sur le sommet des monts, et les anges concourent à ce mystérieux travail. Tout est parfum, fleurs, feuilles et branches.

« Assis près d’une source, un jeune homme, un poète, promène un regard distrait sur les vagues objets de la terre ; il soupire et s’entretient avec la solitude.

« O triste nuit, quelle magie tu exerçais sur moi, et de quelle joie tu me pénétrais lorsque j’étais auprès de ma bien-aimée ! Aujourd’hui, tandis que