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vote d’approbation et de confiance. La chambre prussienne, en se prononçant de la sorte, a obéi à un généreux sentiment. Nous souhaitons que les accens du parlement prussien résonnent au sein des populations germaniques et consolent celles qui sont condamnées à subir tant d’onéreux petits gouvernemens ; mais malgré la chaleur des discours prussiens, nous espérons qu’on évitera d’en venir aux extrémités où l’Allemagne fut conduite, il y a dix ans, par la question hessoise. L’état présent de l’Allemagne est précaire sans contredit, et nous ne traitons pas légèrement les véhémentes discussions qu’il soulève. Cependant, jusqu’à ce que la crise éclate, nous répéterons pour nous rassurer le proverbe allemand : « Une parole n’est pas une épée. »

Les émotions de la jeune et circonspecte liberté prussienne ont beau demeurer presque toujours stériles, elles n’en sont pas moins saines, et l’on a regret à en quitter le spectacle pour porter ses regards sur les maux dont souffre l’Autriche. Quel lugubre événement que la chute et la mort du baron de Bruck ! Faut-il croire que cet homme capable, laborieux, appliqué, qui était parvenu, par une carrière commerciale entreprenante et heureuse, aux postes les plus élevés du gouvernement d’un grand empire, ait trempé dans les tristes malversations dont l’Autriche a souffert, et qu’il ait voulu se punir lui-même de sa propre main ? M. de Bruck était l’espoir des Autrichiens libéraux qui attendaient la régénération de leur pays, et il est la première victime, non peut-être la victime innocente, des efforts que le gouvernement autrichien semble faire pour découvrir les désordres de son administration. Si M. de Bruck a été coupable, il a succombé, on ne peut l’oublier, aux tentations du gouvernement absolu. Le gouvernement autrichien agit en ce moment comme nos gouvernemens de l’ancien régime, qui, après avoir mis au pillage les finances publiques par leur organisation despotique, croyaient suffisamment venger la morale et rétablir leurs affaires en instituant des chambres de justice pour la recherche des financiers. Notre histoire parle des sévérités excessives dont les traitans étaient chez nous l’objet dans ces courtes réactions ; mais la tempête passée, les abus renaissaient par l’effet même des vices du gouvernement. Le despotisme sera toujours la pire école de corruption. L’empereur François-Joseph n’aura rien fait pour le l’établissement de ses finances et de la probité de son administration tant qu’il ne consentira pas à assainir son empire par de larges courans de liberté. La Providence lui a donné un peuple généreux, le peuple hongrois, qui forme la plus belle et la plus forte moitié de son empire. Ce peuple était préparé, par un passé de plusieurs siècles, par des qualités aristocratiques et libérales, à initier l’Europe orientale et l’Autriche elle-même au gouvernement représentatif. Depuis dix ans, la cour de Vienne a ravi à ce peuple ses institutions libres. L’empereur François-Joseph semble disposé à revenir sur cette politique, qui a eu pour lui de si désastreux résultats. Qu’il se hâte, la régénération de l’empire d’Autriche est au prix de la résurrection de la Hongrie.

Tout demeure incertain encore en Italie ; mais là du moins l’incertitude