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toutes ces discussions. Ce n’était pas seulement le ton qui convient entra nations qui se respectent, c’était celui qui doit régner lorsqu’on vise à des rapports vraiment affectueux. Que le témoignage fût sincère ou qu’il fût seulement un artifice de plaidoirie, il n’en avait pas moins pour effet de rappeler un peuple hautain, enivré de lui-même, à de meilleures habitudes. Ce qu’ils en faisaient n’était pas sans péril ni dommage pour eux. Ils y engageaient leur crédit, leur popularité, leur position ; ils voyaient à leurs côtés le vide se faire et le délaissement commencer. Malgré tout, ils ne renoncèrent pas ; ils obéirent à leurs sentimens sans tenir compte des suites. En toute occasion, dans la chambre ou au dehors, ils prirent à cœur de calmer les esprits, d’aplanir les difficultés, de présenter les choses sous le meilleur jour, s’attachant surtout à combattre ce système de mauvais procédés qui entretient l’aigreur et rend la défiance incurable. Ils admettaient bien qu’il est des momens où, pour des motifs sérieux, l’animosité populaire peut et doit être réveillée ; ils niaient qu’il fût sage et utile d’en venir là sur le moindre prétexte et à tout propos. Ils trouvaient indigne d’un peuple sensé d’avoir à la fois le défi à la bouche et l’arme au repos, de se répandre en bravades quand il n’était ni dans ses intérêts ni dans ses intentions d’en venir aux mains, et concluaient que la guerre, cette douloureuse nécessité, s’affronte et se poursuit avec d’autant plus de vigueur qu’on a la conscience plus libre au sujet des causes qui l’ont amenée. Pendant six ans, M. Cobden se dévoua à cette défense ingrate de la paix. Quelque part qu’elle fût menacée, on était sûr de le voir accourir ; il se fit le champion de la Russie comme il avait été le champion de la France. À la veille de la campagne de Crimée, il s’associa avec M. Bright pour la frapper d’un blâme formel, et n’en ménagea pas l’expression ; ils trouvaient l’un et l’autre l’entreprise inopportune, mineuse et pleine de mécomptes, même dans l’hypothèse d’un succès. Cette opposition ne cessa point quand les armées furent aux prises ; c’était dépasser la mesure et se condamner sans retour. L’opinion en Angleterre ne pouvait point hésiter là-dessus ; peu lui importait ce que coûterait la guerre, pourvu qu’elle se terminât glorieusement. M. Cobden et ses amis en furent pour leurs calculs et leurs remontrances. Engagés de nouveau, deux années plus tard, dans la discussion soulevée par la première querelle avec la Chine, les amis de la paix y eurent du moins l’appui d’un grand parti. Sur la motion de M. Cobden, les communes désapprouvèrent la conduite du commissaire anglais, et après ce vote lord Palmerston, qui avait défendu son agent, eut à choisir entre sa retraite et la dissolution de la chambre. Il préféra la dissolution ; l’opinion publique fut mise en demeure de se prononcer. Pour les partisans