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de Soukoupliss, où ils furent cernés et obligés de se, rendre. D’autres mirent pied à terre, essayèrent de se défendre au milieu des rochers, mais, ils se virent bientôt débusqués par les troupes d’infanterie arrivées à leur tour sur le théâtre de la lutte. Deux cents cavaliers et plusieurs centaines de chevaux tombèrent ainsi aux mains des Russes. Les autres parvinrent isolément à regagner le corps d’Aali-Pacha ; même auprès de ce général, ils ne devaient pas rester longtemps tranquilles. Peu de jours après, un détachement russe, sous les ordres du général Kowalevski, vint les surprendre. Nul, dans le camp des Turcs, ne s’attendait à cette attaque. Un chef kurde cependant était venu la veille avertir Aali-Pacha de la marche des Russes et du danger qu’il courait ; mais Aali, troublé dans sa quiétude, avait fait donner des coups de bâton à cet importun.

« Le 9 septembre au soir, dit le capitaine Cameron, un cavalier, la terreur peinte sur le visage, courait à la tente du général en criant : Voilà l’ennemi ! En effet, les Cosaques apparaissaient déjà sur le versant opposé de la vallée. Aali fit sonner à cheval. À ce signal, les bachi-bozouks chargèrent sur leurs chevaux le butin qu’ils avaient enlevé aux habitans du pays, et prirent la fuite dans toutes les directions. La cavalerie régulière, qui comptait environ douze cents chevaux, fit d’abord meilleure contenance. Tandis qu’elle formait ses rangs, j’offris mes services pour pointer les obusiers de montagne, que les artilleurs entouraient les bras croisés. Quelques coups furent tirés ; mais alors les fusées lancées par les Russes vinrent tomber dans les rangs de la cavalerie, qui peu à peu tourna bride, prit le trot, puis le galop, et disparut, abandonnant l’artillerie, le camp et son général Aali-Pacha. Ce Turc donnait d’un air impassible des ordres pour l’enlèvement de sa tente et de ses effets. Je le perdis de vue, et j’appris par la suite que son obstination à sauver ses bagages l’avait fait tomber entre les mains des Russes. »

Ainsi s’éloignaient pour les assiégés les dernières chances de secours. « La majeure partie de nos provisions est consommée, écrit Williams au commencement de septembre. Le soldat ne reçoit plus qu’une demi-ration, le plus souvent du biscuit au lieu de pain : rien de plus. Pas d’argent. La population musulmane meurt de faim, les Arméniens ont ordre de quitter la ville. Pas d’avoine ; à peine des fourrages. Les chevaux d’artillerie sont de vrais squelettes. » L’investissement de la ville était si complet que le colonel était depuis longtemps sans la moindre nouvelle du dehors. Un hardi chef de bachi-bozouks parvint enfin à traverser les lignes des Russes. Il apportait des dépêches d’Omer-Pacha, qui annonçait au mouchir la prise de Sébastopol et la concentration sur les bords du Tchorok d’une armée turque appelée à délivrer la ville. Bien que la dépêche fut conçue en termes assez vagues, elle ne laissa pas de causer aux