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maladie d’opinion qui deviendrait funeste en se prolongeant ; nous en avons indiqué avec plus de timidité la cause : nous en dirons sommairement le remède. Puisque les intentions déclarées ont été insuffisantes à rétablir la confiance, puisqu’un acte aussi significatif qu’une réforme économique n’a point inculqué dans les esprits cette foi dans la paix qui pouvait seule l’avoir inspiré, il faut, contre un mal qui résulte des choses, chercher la garantie dans les choses mêmes ; il faut frapper les esprits et les imaginations, non par des déclarations qui ne seraient que des redites, non par des actes isolés qui ne seraient que des expédiens, mais par l’inauguration d’un système qui porte en soi les garanties de la sécurité que l’on recherche. Que le gouvernement en soit convaincu : les inquiétudes dont le spectacle le contrarie tomberaient devant le moindre progrès libéral accompli dans nos institutions. L’Europe pousserait un joyeux soupir de délivrance, la France croirait commencer une vie nouvelle et se sentirait rajeunie ; les intérêts reprendraient partout confiance, si les concessions libérales que demande le groupe grossissant des intelligences généreuses et des fermes caractères étaient enfin accordées. Et quel moment serait mieux choisi pour faire vers la liberté un pas décidé que celui où son nom redevient le synonyme de la paix et de la sécurité ?

Au surplus, si la liberté est destinée à faire seule son chemin en France, les forces ne lui manqueront point. Le temps du découragement est passé pour ses amis. La noble sève remonte, et les branches fécondes où s’est nourrie notre jeunesse nous montrent encore de beaux fruits. Il semble que la littérature qui soit le mieux appelée à survivre au cycle que nous traversons soit la littérature politique, et cette littérature rend la vie à la tradition libérale de la révolution française, la seule des aspirations de 89 qu’il reste encore à satisfaire. Il faut noter l’apparition de ces livres comme les événemens politiques les plus importuns de notre vie intérieure aujourd’hui. Nous avons déjà annoncé le quatrième volume de la belle Histoire du Gouvernement parlementaire de M. Duvergier de Hauranne. Nous nous reprochons de n’avoir pas recommandé plus tôt l’excellente Histoire de la Restauration commencée par M. L. de Viel-Castel. Ces récens ouvrages, auxquels nous devons joindre l’étude entreprise par M. Jules de Lasteyrie sur l’histoire de la liberté en France, sont un enseignement pratique de libéralisme. M. de Rémusat apporte à ce mouvement, auquel participent avec une émulation pleine de promesses bien d’autres esprits distingués, l’achèvement de la pensée philosophique. Dans notre affranchissement et dans l’œuvre de la révolution française, grande a été la part d’action de la philosophie. C’est l’influence de la spéculation intellectuelle et du génie rationaliste propre à l’esprit français que M. de Rémusat aime à retrouver dans notre histoire, ou qu’il applique lui-même, avec une supériorité et un charme que nos lecteurs, connaissent, à l’appréciation de notre organisation politique. Sous le titre de Politique libérale ou Fragmens pour servir à la défense de la Révolution française, notre éminent collaborateur a réuni, en les fondant