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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/862

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l’équipage du Fox essayait ainsi de tromper les ennuis de sa captivité, un cruel accident survint ; dans les premiers jours de décembre, le machiniste Robert Scott se laissa tomber d’une écoutille, et il mourut deux jours après. La glace allait recevoir sa dépouille. Après un service célébré à bord, le cadavre fut conduit sur un traîneau jusqu’à une fosse taillée avec la hache et la scie dans un endroit épais du glacier ; les pavillons du navire avaient été baissés à mi-mât, les cloches faisaient entendre leur tintement, l’équipage entier suivait le convoi ; le froid était vif, l’atmosphère sombre, le silence profond, et un des phénomènes lunaires de ces climats, le halo, grand cercle lumineux qui entoure parfois la lune d’une large auréole, ajoutait ses effets bizarres à cette scène de tristesse.

Le mois de décembre emporta dans la dérivation des glaces le bâtiment à soixante-sept milles plus au sud. Le 28 janvier, par le 74e degré de latitude, le bord supérieur du soleil se montra de nouveau ; il y avait quatre-vingt-neuf jours que l’astre avait complètement disparu. Février continua d’entretenir les espérances des marins ; la température s’adoucissait sensiblement ; les monceaux de glace se séparaient, et au milieu de leurs craquemens et de leurs déchirures, s’ils menaçaient le bâtiment d’un grand désastre, ils lui faisaient espérer aussi la rupture définitive du cercle infranchissable dans lequel il marchait emprisonné. Mars justifia ces espérances ; une nuit, par une tempête de neige et par une forte houle qu’avait soulevée une brise passagère du sud-est, le bâtiment se détacha avec une forte secousse de la montagne de glace à laquelle il était rivé, protectrice redoutable qui le défendait du choc des glaçons voisins, mais qui pouvait elle-même à chaque instant l’écraser. Le yacht, a la grande joie de son équipage, reprenant ses libres allures, se mit à bondir sur les vagues ; il ne lui restait plus qu’à se dégager par de prudentes manœuvres de son archipel de glaçons. C’est ce qu’il put faire enfin dans le mois d’avril, après de brusques variations de la température et des retours subits du froid qui menaçait de l’enfermer dans un nouveau cercle de glaces. En échappant à ce terrible main-pack qui l’avait retenu durant huit mois, le Fox courut un dernier danger : il fut entraîné par une forte houle au milieu des glaçons entrechoqués ; sa machine, que l’ingénieur, M. Brand, était seul à manœuvrer depuis la mort du mécanicien Scott, aidée du vent, eut bien du mal à l’entraîner hors des obstacles qui l’enveloppaient ; il fut menacé de perdre son gouvernail. Sans doute, si ce malheur fût advenu, il eût misérablement péri, broyé au milieu des glaces ; par bonheur ses flancs garnis de fer résistèrent aux chocs, et l’équipage parvint à force d’énergie à franchir cette passe difficile. Enfin le navire glissa sur une eau libre ; à peu de distance