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connue en Hollande sous le nom de doctrine de Groningue. Comme la réaction orthodoxe, l’école de Groningue sent que le mysticisme a en religion une place importante, qu’une morale raisonnable et douce ne suffit pas à la soif d’infini dont l’homme religieux, s’il est vraiment religieux, est toujours dévoré. Elle peut en appeler aux grands mystiques néerlandais des temps antérieurs à la réforme, en particulier à Wessel Gansfort, pour montrer qu’elle est bien réellement dans la tradition nationale quand elle relève le drapeau du mysticisme trop longtemps enterré sous la scolastique traditionnelle des anciens et la moralité sans fondement sérieux des modernes. En même temps elle ne peut se dissimuler que les progrès des sciences ont rendu nécessaire une révision du dogme chrétien, que les vieilles doctrines orthodoxes ne sont plus en rapport avec l’esprit moderne, que la Bible, librement interprétée, n’est rien moins que favorable à plusieurs dogmes. En particulier, elle éprouve le besoin vraiment philosophique, et que ressentiront désormais toutes les théologies scientifiques, de rattacher le christianisme, la Bible, l’église, tout le développement religieux de l’humanité, à un principe assez vaste pour en embrasser les péripéties et les innombrables variations, Ce principe, déjà proclamé par Lessing et Herder, c’est l’éducation du genre humain par Dieu, qui veut élever les hommes, ses enfans, à sa ressemblance progressive.

Le point culminant de cette action éducatrice de Dieu est l’envoi du Christ, sur la nature duquel les docteurs de Groningue ont une théorie qui se rapproche beaucoup de l’arianisme. Le Christ ne serait pas Dieu, mais un être divin préparé par le Père céleste à la mission qu’il est venu remplir en revêtant la nature humaine. Depuis son ascension, le Christ, à qui Dieu a en quelque sorte délégué son pouvoir sur les hommes, dirige toujours les destinées religieuses de l’église, et c’est dans ce sentiment d’une communion immédiate, personnelle avec le Christ glorifié que réside surtout l’élément mystique de la doctrine de Groningue. L’amour des hommes, le désir de concourir à leur bien-être matériel et moral constitue la marque essentielle du christianisme et du chrétien. Sur les autres points de l’enseignement ecclésiastique, cette école s’attache en général à un juste milieu qui n’est pas toujours très satisfaisant pour une raison exigeante ; mais elle plut dès l’abord à un grand nombre d’esprits que rebutaient les aspérités du vieux calvinisme, et qui se trouvèrent tout heureux de pouvoir vivre de la vie religieuse sans mettre leur bon sens à la torture. Le recueil périodique intitulé la Vérité dans la Charité (Waarheide in Liefde) développe les idées de l’école de Groningue avec un succès qui prouve la sympathie qu’elles rencontrent dans le public. Il faut remarquer, à l’honneur